Un policier blanc a été arrêté mardi à North Charleston (Caroline du Sud) après la diffusion par le New York Times d’une vidéo le montrant tuer un homme noir de dos.
Capture d'écran de la vidéo amateur relayée par le New York Times
La vidéo tournée à l’aide d’un smartphone et publiée par le New York Times sur son site mardi 7 avril est accablante. On y voit un policier blanc tirer à plusieurs reprises sur un homme noir alors qu’il s’enfuit. Une fois l’homme à terre, le policier lui demande de mettre ses mains dans le dos et lui passe les menottes. Deux agents finissent par le rejoindre. Si l’un d’eux demande dans son talkie à ce qu’on lui apporte une trousse médicale, aucun des trois hommes ne cherche à aider la victime, Walter L. Scott, 50 ans, qui agonise au sol avec, selon l’avocat de sa famille, cinq balles dans le corps. Il décédera quelques minutes plus tard.
La diffusion de cette vidéo, tournée par un passant et remise au New York Times par l’avocat de la famille de la victime, a permis l’arrestation pour meurtre du policier, Michael T. Slager, âgé de 33 ans, avant même les résultats de l’enquête. Le maire de North Charleston a ainsi déclaré lors d’une conférence de presse mardi:
“Quand vous êtes en tort, vous êtes en tort. Quand vous prenez une mauvaise décision, on ne regarde pas si vous portez un insigne de police ou si vous êtes un simple citoyen, vous devez assumer cette décision.”
D’après le New York Times, la bavure fait suite à un banal contrôle routier: Michael T. Slager avait arrêté Walter L. Scott alors qu’il conduisait une Mercedes-Benz avec un feu cassé. D’après le policier, le conducteur se serait enfui après avoir subtilisé son Taser lors d’une confrontation. Un rapport de police cité par le New York Times, note que Michael T. Slager a déclaré dans son talkie “Il y a eu des tirs, le sujet est à terre. Il a pris mon Taser”.
Mais la vidéo vient contredire l’argument de la légitime défense. Le New York Times souligne ainsi qu’au début de la vidéo, un objet tombe à terre et qu’il pourrait s’agir du Taser. Quelques secondes plus tard, alors que la victime gît au sol, Michael Slager revient vers l’objet en question, puis semble le déposer à côté de Walter L. Scott, ce qui pourrait constituer une tentative pour maquiller le meurtre en légitime défense.
Selon le Post and Courrier, un journal local, la victime avait été arrêtée une dizaine de fois, principalement pour ne pas s’être acquitté de la pension alimentaire de ses enfants, et pour ne pas s’être présenté au tribunal lors de convocations. Son frère, Anthony, a estimé qu’il s’était certainement enfui ce jour-là par peur d’être une nouvelle fois arrêté pour non règlement de sa pension. Une hypothèse relayée par Chris Stewart, l’avocat de la famille de la victime:
“Il avait quatre enfants. Il n’avait pas de passif très violent ni de grosses arrestations à son actif. Il avait un travail, il était engagé. Il avait des impayés de pension alimentaire et ne voulait pas aller en prison pour cela.”
Selon le Post and Courrier, Michael Slager aurait déjà fait l’objet de deux plaintes, dont l’une par un homme affirmant que le policier avait utilisé son Taser et l’avait frappé sans raison en septembre 2013. Slager n’avait pas été inculpé.
Il risque la peine de mort ou la prison à vie s'il était reconnu coupable pour ce meurtre.
Ce meurtre vient s’ajouter à la longue liste des bavures policières racistes commises aux Etats-Unis. A l’automne 2014, de violentes manifestations avaient éclaté à Ferguson, dans le Missouri, suite au meurtre de Michael Brown, un jeune homme noir tué par Darren Wilson, un policier blanc, le 9 août, et à l’acquittement de ce dernier quelques mois plus tard.
Au même moment, se propageait le slogan “I Can’t Breathe” (“Je ne peux pas respirer”), une référence aux derniers mots prononcés le 17 juillet 2014 à New York par Eric Garner, un Américain noir de 44 ans, tué par un policier blanc ayant utilisé une technique d’étranglement pourtant interdite dans la police depuis 1993. Là aussi, une vidéo avait été tournée par un passant et diffusée sur Youtube. Pourtant, malgré cette preuve visuelle ainsi que de nombreux témoignages oculaires, le policier n’avait pas été inculpé.
Une injustice qui rappelle l’affaire Rodney King. En 1991, cet homme noir était décédé après avoir été roué de coups par plusieurs policiers suite à son arrestation. Malgré l’existence d'une vidéo accablante tournée par un passant, les policiers avaient tous été acquittés, déclenchant une vague d’émeutes sans précédent à Los Angeles.
Mort de Walter Scott : l'auteur de la vidéo témoigne