https://www.leparisien.fr/sports/rugby/il-aime-la-lumiere-qui-est-rafael-cuneo-libarona-lavocat-des-rugbymen-oscar-jegou-et-hugo-auradou-12-07-2024-IKMBTWHHXVAJJFEZEO6K2IKWEM.php

Thomas Broggini, envoyé spécial à Mendoza (Argentine)

Les quelques journalistes présents dans le hall du ministère public de Mendoza (Argentine) ont assisté à un étonnant show, ce jeudi. Après s'être entretenu avec deux employés du parquet, Rafael Cúneo Libarona s'est exprimé pendant quarante minutes devant des médias qui n'en espéraient pas tant, alors qu'il avait déjà pris la parole à de nombreuses reprises ces derniers jours et n'avait pas encore eu accès au dossier judiciaire.

« Il aime la lumière et les caméras, c'est un charmeur », observe un ténor des tribunaux argentins. L'avocat de 56 ans représente les rugbymen français Oscar Jégou et Hugo Auradou, accusés de viol aggravé par une femme argentine de 39 ans. Les faits qui les visent se seraient déroulés dans la nuit de samedi à dimanche, après une sortie en boîte de nuit consécutive à la victoire du XV de France contre les Pumas (28-13) dans la ville du Centre-Ouest de l'Argentine.

« C'est la première fois que je m'occupe d'une affaire de sexe », a reconnu l'avocat. Une expression pas choisie au hasard puisqu'il considère la relation sexuelle entre Auradou et la plaignante comme « consentie » et nie « tout acte de violence » de la part de ses deux clients. Une version qui contredit totalement celle de la plaignante. L'avocate de cette dernière, Natacha Romano, a livré un récit effroyable, évoquant plusieurs viols , ainsi que « des coups au visage, au menton, sur la poitrine, les fesses, le dos, des traces de morsure, de griffures, des coups au niveau des jambes ». Ce jeudi, l'AFP a appris que la victime présumée avait été hospitalisée en raison « d'une décompensation générale du corps » à la suite des agressions dont elle aurait été victime. Elle devrait « rester en observation entre 24 et 48 heures ».

« Je suis fan du XV de France et c'est un honneur de le représenter »

D'après les informations de RMC , Rafael Cúneo Libarona aurait été mis en contact avec les deux internationaux tricolores par l'intermédiaire d'Agustín Pichot. L'avocat refuse de confirmer mais admet « une relation d'amitié » avec l'ancien capitaine des Pumas et du Stade français. « On se connaît, on a joué l'un contre l'autre », ajoute-t-il. Ancien ailier « de bon niveau » selon ses propres mots, Rafael Cúneo Libarona a évolué pendant quinze ans au Club Universitario de Buenos Aires, une équipe de la première division argentine. « Le sport, c'est toute ma vie », dit-il, à tel point qu'il a profité de la dernière Coupe du monde de rugby pour voyager dans toute la France en camping-car avec son fils.

« Je suis fan du XV de France et c'est un honneur de le représenter », explique l'avocat, « admirateur d' Antoine Dupont , Serge Blanco, Jean-Pierre Rives et Philippe Sella ». Ce jeudi, dans un style parfois théâtral, il a d'ailleurs utilisé plusieurs références sportives devant les journalistes, qu'il aime flatter pour leurs « très bonnes questions ». « Quand vous parlez de l'équipe de France de rugby, c'est comme si vous parliez de l'équipe de football d'Argentine ou du Brésil », a-t-il notamment déclaré, comparant Florian Grill , le président de la Fédération française de rugby présent à Mendoza, à Claudio Tapia, le patron du foot argentin.

En plus de son métier d'avocat, Rafael Cúneo Libarona exerce des responsabilités au service juridique de l'Association de polo argentine, une discipline qu'il pratique lui-même. A-t-il accepté de représenter Oscar Jégou et Hugo Auradou en raison de son amour du sport et de son goût pour la lumière ? « J'ai accepté parce que je les crois, justifie-t-il. J'ai beaucoup parlé avec eux. Je suis un ancien joueur de rugby, donc je sais ce qu'il se passe en tournée, le bien comme le mal. »

Mais, visiblement, il ne connaissait pas parfaitement le profil de ses clients puisqu'il a appris jeudi, de la bouche d'un journaliste argentin, qu'Oscar Jégou avait été contrôlé positif à la cocaïne en début de saison. « Une décision personnelle qui n'a rien à voir avec l'affaire », estime-t-il.

Le frère du ministre de la Justice

Le choix des accusés d'être représentés par cet avocat peut aussi interroger. En effet, Rafael Cúneo Libarona est le frère de l'actuel ministre de la Justice argentine, Mariano Cúneo Libarona, membre du gouvernement d'extrême droite de Javier Milei. « J'ai l'honneur d'être le frère du ministre de la Justice, assume-t-il. C'est le meilleur ministre que puisse avoir ce pays. Je suis fier de lui. Il a une intelligence différente. Je suis une personne indépendante. Je ne prendrais pas l'affaire s'il y avait une incompatibilité manifeste entre sa charge et la mienne. En avril, dans un procès compliqué (un scandale de corruption présumée dans lequel était notamment accusé l'ancien président de la République Alberto Fernández), j'ai quitté mes fonctions. Mais j'ai le droit de travailler. »

Un seul message figure sur le site Internet du cabinet d'avocat, détenu par les quatre frères Cúneo Libarona : il indique que le ministre de la Justice « ne fait actuellement pas partie du cabinet juridique Cúneo Libarona ».

Toujours est-il que le ministre appartient à un gouvernement aux positions ouvertement masculinistes. Un autre sujet de crispation dans le cadre d'une affaire judiciaire portant sur des faits présumés de viol aggravé. « Nous avons licencié 85 % des employés de l'ex-ministère de la Femme, se félicitait par exemple le responsable politique sur X (ex-Twitter), le 30 juin. Les autres occuperont des postes au sein de la Direction de protection à la famille, et assisteront TOUS les Argentins qui traversent une situation de violence et de risque. »

Un contexte social défavorable aux femmes

Un message qui ne surprend pas l'avocate Ana Correa, l'une des fondatrices du collectif Ni Una Menos (« Pas une de moins »), le principal mouvement féministe d'Argentine. « Il n'y a aucun doute sur le fait que le gouvernement actuel est antiféministe, déplore l'activiste. Milei attaque ouvertement toutes les politiques de prévention de violences contre les femmes, les personnes LGBT et la jeunesse. Cela se constate dans ses déclarations, ses alliances internationales et les mesures qu'il porte depuis son arrivée au pouvoir. »

En conséquence, la militante considère que « le système judiciaire est habilité à juger sur des critères patriarcaux ». Faut-il craindre que l'affaire de Mendoza puisse être influencée d'une manière ou d'une autre ? « Je n'ai pas d'indice pour le dire, mais il y a un contexte social défavorable », souligne-t-elle.

Autre figure du mouvement féministe argentin, la sociologue Lucí Cavallero approuve : « Ce gouvernement développe une politique de stigmatisation et de criminalisation du mouvement féministe mais aussi des minorités sexuelles, des syndicats et des associations. Il a éliminé beaucoup de politiques publiques de prévention d'abus et de la violence, il a supprimé le ministère des Femmes, des Genres et de la Diversité. C'est un moment très difficile pour nous, empiré par la crise. »

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/08/13/les-deux-rugbymen-francais-accuses-de-viol-libres-mais-sous-controle-judiciaire-en-argentine_6279101_3224.html

En Argentine, les deux rugbymans français libres sous contrôle judiciaire

(...)

Dans l’entourage de la plaignante, on dénonce la dimension internationale de l’affaire et des pressions politiques. L’un des avocats des joueurs, Me Rafael Cuneo Libarona, est le frère de l’actuel ministre argentin de la justice.

Lors d’une interview sur la chaîne d’information C5N le 11 août, la veille de la mise en liberté des joueurs, de dos pour préserver l’identité de sa fille, le père de la plaignante, lui-même avocat, s’est dit « préoccupé » par la présence du cabinet Cuneo Libarona, « lié à certaines sphères du pouvoir(…). Ici, il y a beaucoup d’enjeux, beaucoup de pression. Honnêtement, on ne se sent plus protégés face au changement d’attitude du parquet ».

https://www.lequipe.fr/Rugby/Article/Entendus-pour-la-premiere-fois-lors-de-leurs-audiences-auradou-et-jegou-pourraient-etre-liberes-mais-rester-mis-en-cause/1490313

(...)
La plaignante, son entourage et ses avocats redoutent de voir les deux hommes recouvrer leur liberté. Tous estiment que des pressions politiques pourraient être exercées dans cette affaire. L'avocat de la défense, Rafael Cuneo Libarona étant le frère du ministre argentin de la Justice.

Présent lors de l'audience d'Hugo Auradou, le frère de la plaignante s'est confié lors d'une pause. « La stratégie de la défense se base sur des mensonges pour minimiser les faits , assure-t-il. Le récit de ma soeur est sans faille et cohérent sur tous les points. Je suis même surpris du niveau de détails qu'elle a été en mesure d'apporter quand des questions lui ont été posées lors de son audience (mardi). »

Ni lui ni les autres membres de la famille ne s'étaient exprimés jusqu'à ces dernières heures. Ils commencent à le faire.

Pour faire part de leur détresse, et parce qu'ils redoutent de voir les rugbymen libres sous peu.

« C'est très dur pour toute la famille. Mon père est détruit. On a peur de ce qui pourrait lui arriver étant donné son âge (73 ans), a-t-il confié. Leur mise en liberté serait un coup très dur pour ma soeur. Elle est anéantie. »

https://www.huffingtonpost.fr/international/article/affaire-auradou-jegou-la-plaignante-qui-accuse-les-rugbymen-francais-de-viol-a-fait-une-tentative-de-suicide-selon-ses-avocats_238814.html

(...) Demande de non-lieu en suspens ?

À l’audience de mardi, les avocats d’Auradou et Jegou, convaincus que la position de l’accusation s’était fragilisée ces dernières semaines, entendaient déposer une demande de non-lieu, afin d’obtenir leur retour en France.

L’absence annoncée de la plaignante à l’audience de mardi n’empêche a priori pas les avocats des joueurs de déposer leur demande de non-lieu, a indiqué à l’AFP Martin Ahumada, porte-parole de la justice de Mendoza. À l’audience devaient également être présentés les résultats d’une expertise psychiatrique de la plaignante, un des derniers actes attendus.

Si la défense dépose une demande de non-lieu, le parquet devra se prononcer sur celle-ci, puis une audience sera convoquée sous quelques jours pour qu’un juge l’examine. Selon l’un des avocats argentins des joueurs, Me Rafael Cuneo Libarona, l’ensemble du processus pourrait prendre une semaine environ.

Mais lundi soir, tout en déplorant l’absence de la plaignante à l’audience de mardi, frustrant la procédure , Me Cuneo Libarona a indiqué à l’AFP encore évaluer s’il présenterait ou non la demande de non-lieu mardi. Me Cardello, lui, a déjà indiqué que les avocats de la plaignante s’opposeraient formellement à un non-lieu et allaient continuer à soutenir qu’il y a bien eu abus sexuel.

https://www.sports.fr/rugby/xv-de-france/ils-mont-tuee-de-mon-vivant-la-plaignante-de-laffaire-auradou-jegou-a-fait-une-tentative-de-suicide-860207.html

(...) La victime présumée avait laissé une lettre, dans laquelle elle détaille les raisons de son geste.

Celle-ci est publiée par la presse argentine.

"Parce que je croyais en la Justice, on m’a encouragée à dénoncer mais aujourd’hui je subis une pression psychologique que je n’aurais jamais imaginée, cela m’a enlevé la volonté de vivre , explique celle dont le prénom, Soledad, est visible en bas de la lettre."


Dans cette missive, elle s’en prend surtout à la justice de son pays et aux avocats qui sont à l’oeuvre dans cette affaire.

"J’espère qu’ils pourront dormir paisiblement en
regardant les visages de leurs femmes, filles et petites-filles. Ils ont ruiné ma vie. Manipuler la
presse sans pitié avec une condamnation sociale à mon encontre.

Merci le ministère public.
Merci, ils m’ont tuée de mon vivant."

Le procès a pris ces dernières semaines une tournure inattendue avec la remise en liberté des deux joueurs français, qui sont toutefois interdits de quitter l’Argentine en attendant le verdict de la justice. La défense réclame l’abandon des poursuites.