Les scientifiques entendent enfin la voix des poissons
Publié le 13 mai 2011 par Arcturius
Le poisson-crapaud émet des sons complexes que les équations linéaires ne sont pas capables de décrire.
Des chercheurs américains ont découvert que le poisson-crapaud est capable d’émettre deux sons en même temps, comme les oiseaux.
«On dit muet comme une carpe mais ce n’est pas vrai. Les poissons communiquent beaucoup car les sons se propagent très bien dans l’eau», avertit Thierry Aubin, directeur de recherche au CNRS en communication acoustique. Leur répertoire est d’une richesse étonnante. Une espèce de poisson-chat roucoule comme un pigeon et se met subitement à crier comme un singe. D’autres espèces, plus discrètes, grognent ou coassent comme des grenouilles ou lancent des petits «clics» en s’enfuyant. Il y a de véritables artistes comme le chabot à longue corne d’Amérique du Nord qui parcourt lentement les fonds en soufflant à la façon d’une corne de brume. Certains sons ressemblent à des trousseaux de clés qu’on agite frénétiquement ou à un envol de canards. «C’est chez les poissons que l’on trouve la plus grande diversité de sons», assure Frédéric Bertuccci, doctorant au laboratoire de neuro-éthologie sensorielle piloté par Nicolas Mathevon (université de Saint-Étienne). L’océan n’est pas un monde de silence, comme le prétendait le commandant Cousteau. Les poissons n’arrêtent pas de parler, de crier et de chanter.
Au moment de la reproduction
Au cours des vingt ou trente dernières années, les scientifiques ont fait beaucoup d’enregistrements grâce à des hydrophones et des appareils de traitements des sons toujours plus performants. Ils travaillent de préférence dans les aquariums ou les laboratoires car il n’y a pas de bruits de fond comme c’est le cas en mer et ils peuvent y faire des expériences et des études comportementales. Ils ont pu observer ainsi que les poissons produisent des sons principalement au moment de la reproduction ou dans des phases agressives, tout comme les mammifères terrestres ou les insectes. La plupart des poissons ont deux manières de faire du bruit, soit en faisant claquer leur mâchoire et leurs dents, soit avec leur vessie natatoire. Cette poche qu’ils remplissent de gaz ou vident à volonté leur sert de ballast et leur permet de monter à la surface ou de descendre dans la colonne d’eau. Mais les poissons l’utilisent aussi comme un tambour, un amplificateur des bruits provoqués par la contraction extrêmement rapide de certains muscles qui l’entourent. D’autres espèces emploient des artifices comme le hareng qui fait sortir des successions de petites bulles de son anus. En dehors de ces observations, on sait en fait encore bien peu de chose sur le sens des signaux envoyés par les poissons. Une équipe de chercheurs de l’Université Cornell, dans l’État de New York (États-Unis) vient de montrer que tout reste à découvrir dans ce domaine. Ils ont néanmoins la certitude que les sons des poissons sont beaucoup moins rudimentaires qu’on aurait tendance à le croire, vu de notre monde terrestre (Proceedings of the Royal Society Biology, en ligne).
«Hou» et grognements
«Les appels du poisson-crapaud (cliquer pour en écouter le son) révèlent un degré de complexité comparable à celui des oiseaux et des primates», estiment Aaron Rice et son équipe dans leur étude. En effet, cette espèce est capable de produire simultanément deux sons, tout comme les oiseaux dont le pharynx (on l’appelle le syrinx) est ventilé à la fois par la trachée et par les bronches. Le poisson-crapaud, lui, est doté de deux vessies natatoires. Plus étonnant encore, ses muscles phoniques battent trois fois plus vite que les ailes du colibri. L’équipe américaine s’est également aperçue que le poisson-crapaud émet des sons complexes (des «hou» et des petits grognements) que les équations linéaires ne sont pas capables de décrire. Pourquoi ont-ils été retenus par la sélection naturelle, s’interrogent les chercheurs? Est-ce un signal d’alerte particulièrement efficace ou la signature spécifique de chaque individu? Mystère. Des recherches récentes ont montré que la zone du cerveau activée lors des émissions sonores des poissons est la même que celle du langage chez l’humain.
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