Passeur d’âmes
De l’aube au crépuscule, ce merle noir est là.
Depuis l’instant de plomb, il m’attend sur le toit.
La toute première fois où j’entendis ses trilles,
Son chant exubérant agressa mon chagrin.
Mais le merle est patient, oiseau de bon augure.
Chaque note de ma peine, il en solfiait l’amer.
Lorsque son œil sur moi se posa un instant,
Je n’eus plus le courage, de l’observer encore…
Dernière cigarette, au seuil de l’insomnie.
Dans la brise légère, il se lisse les plumes,
Puis commence à me dire que le temps n’attend pas,
Qu’il est le messager, que je dois l’écouter.
Mais le merle est un mage, qui siffle ma folie.
Il traduit mes silences et je guette ses mots :
« Tu sais bien qui m’envoie, et pourquoi je suis là.
Respecte sa mémoire, Elle étoilait ta vie. »
Chaque jour qui suivit, en ce printemps maudit,
Il semblait me guetter et moi je l’espérais.
Au levant au couchant, sur l’antenne, sur un arbre,
Il chantait sa présence, je poussais ma démence.
Mais le merle infidèle à l’été s’en alla,
Sur un dernier serment : « Je suis à tes côtés ! »
Et dans ma nuit épaisse, le mantra demeurait :
« M’ouvriras-tu les bras quand je te rejoindrai ? »
Mais le merle est moqueur qui ne répondit pas.