Rappel du premier message :Marcel Proust :
"L'homme est l'être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu'en soi, et, en disant le contraire, ment.""Le moi profond reste le meilleur des masques antirides."
- Quel est, pour vous, le comble de la misère ?
- Être séparé de maman.
- Où aimeriez-vous vivre ?
- Au pays de l'Idéal ou plutôt de mon idéal.
- Votre idéal de bonheur terrestre ?
- Vivre près de tous ceux que j'aime, avec les charmes de la nature, une quantité de livres et de partitions et, pas loin, un théâtre français.
- Quels sont les héros de roman que vous préférez ?
- Les héros romanesques, poétiques, ceux qui sont un idéal plutôt qu'un modèle.
- Le principal trait de mon caractère ?
- Le besoin d'être aimé et, pour préciser, le besoin d'être caressé et gâté bien plutôt que le besoin d'être admiré.
- Mon principal défaut ?
- Ne pas savoir, ne pas pouvoir «vouloir».
- Quel serait mon plus grand malheur ?
- Ne pas avoir connu ma mère, ni ma grand-mère.
- Ce que je voudrais être ?
- Moi, comme les gens que j'admire me voudraient.
- Le pays où je désirerais vivre ?
- Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme par enchantement - et où les tendresses seraient toujours partagées.
"Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination !"
"Sauf chez quelques illettrés du peuple et du monde, pour qui la différence des genres est lettre morte, ce qui rapproche, ce n’est pas la communauté des opinions, c’est la consanguinité des esprits."
"Le souvenir d'une certaine image, n'est que le regret d'un certain instant."
"L'homme n'est pas fait pour travailler et la preuve c'est que ça le fatigue."
"Avoir un corps, c'est la grande menace pour l'esprit."
"Cesser d'espérer, c'est le désespoir même."
"Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver."
"À l'être que nous avons le plus aimé nous ne sommes pas si fidèles qu'à nous-même."
"Ce qu'on sait n'est pas à soi."
"Et toutes les âmes intérieures des poètes sont amies et s'appellent les unes les autres."
"Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus."
"Une heure n'est pas qu'une heure, c'est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats."
"Il y a dans notre âme des choses auxquelles nous ne savons pas combien nous tenons. Ou bien, si nous vivons sans elles, c'est parce que nous remettons de jour en jour, par peur d'échouer ou de souffrir, d'entrer en leur possession."
"On ne peut bien décrire la vie des hommes si on ne la fait baigner dans le sommeil où elle plonge et qui, nuit après nuit, la contourne comme une presqu'île est cernée par la mer."
"Toute action de l'esprit est aisée si elle n'est pas soumise au réel."
"Ce qu'on donne au public, c'est ce qu'on écrit seul, pour soi-même, c'est bien l'œuvre de soi."
"Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n‘était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n‘était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel."
"Ma seule consolation, quand je montais me coucher, était que maman viendrait m’embrasser quand je serais dans mon lit. Mais ce bonsoir durait si peu de temps, elle redescendait si vite, que le moment où je l’entendais monter, puis où passait dans le couloir à double porte le bruit léger de sa robe de jardin en mousseline bleue, à laquelle pendaient de petits cordons de paille tressée, était pour moi un moment douloureux. Il annonçait celui qui allait le suivre, où elle m’aurait quitté, où elle serait redescendue. De sorte que ce bonsoir que j’aimais tant, j’en arrivais à souhaiter qu’il vînt le plus tard possible, à ce que se prolongeât le temps de répit où maman n’était pas encore venue."
"Quelquefois quand, après m’avoir embrassé, elle ouvrait la porte pour partir, je voulais la rappeler, lui dire « embrasse-moi une fois encore », mais je savais qu’aussitôt elle aurait son visage fâché, car la concession qu’elle faisait à ma tristesse et à mon agitation en montant m’embrasser, en m’apportant ce baiser de paix, agaçait mon père qui trouvait ces rites absurdes, et elle eût voulu tâcher de m’en faire perdre le besoin, l’habitude, bien loin de me laisser prendre celle de lui demander, quand elle était déjà sur le pas de la porte, un baiser de plus. Or la voir fâchée détruisait tout le calme qu’elle m’avait apporté un instant avant, quand elle avait penché vers mon lit sa figure aimante, et me l’avait tendue comme une hostie pour une communion de paix où mes lèvres puiseraient sa présence réelle et le pouvoir de m’endormir."
"Car un amour a beau s’oublier, il peut déterminer la forme de l’amour qui le suivra. Déjà au sein même de l’amour précédent des habitudes quotidiennes existaient, et dont nous ne nous rappelions pas nous-même l’origine. C’est une angoisse d’un premier jour qui nous avait fait souhaiter passionnément, puis adopter d’une manière fixe, comme les coutumes dont on a oublié le sens, ces retours en voiture jusqu’à la demeure même de l’aimée, ou sa résidence dans notre demeure, notre présence ou celle de quelqu’un en qui nous avons confiance, dans toutes ces sorties, toutes ces habitudes, sorte de grandes voies uniformes par où passe chaque jour notre amour et qui furent fondues jadis dans le feu volcanique d’une émotion ardente."