Dès le plus jeune âge, j’ai ressenti des difficultés à m’intégrer dans les groupes. J’étais systématiquement rejetée sans savoir pourquoi. Je ne saisissais pas que j’étais étrange et ressentais un tel besoin d’être comme tout le monde, d’avoir des amis, rire avec les autres. J’étais plutôt d’un naturel avenant, mais lorsque j’essayais d’aller vers les enfants de mon âge, il y avait ces regards hautains et ces tentatives de blessures pour me mettre au rencart. J’ai essayé de comprendre et ai voulu adapter mon comportement à ce qu’on attendait de moi pour pouvoir exister au sein du groupe, mais cela s’est soldé par des échecs, je finissais toujours pas être mise en quarantaine. Hyperactive, je ne tenais pas vraiment en place et ne comprenais pas que j’étais source d’agacement pour les autres, de plus, ma liberté intellectuelle me valait d’être autant fustigée par le monde des adultes que celui des enfants. Je vivais déjà cela avec ma mère et certains de mes oncles et tantes ainsi que leurs enfants, et cela m’a conforté dans l’idée que j’étais anormale, que je n’avais pas ma place dans cette société. A six ans, j’ai fait une tentative de suicide parce que j’avais l’impression que personne ne pourrais m’aimer et qu’il était préférable d’être morte que de passer toute une existence sans amour.

Ma famille m'a soutenue et j’ai trouvé de véritables alliances au sein de ma fratrie. Et puis, j’ai vu que je n’étais pas la seule à souffrir des autres à l’école, alors je me suis intéressée aux enfants qui étaient également persécutés et montrés du doigt parce qu’ils étaient soit disant laids ou parce qu’ils étaient vu comme des pauvres gamins inutiles et sans cervelles, ou que sais-je encore. Il m’a cependant été très difficile d’aller de nouveau vers les autres, et cela a déclenché une grande réserve chez moi. Je ne parviens toujours pas à sortir de cette introversion dans laquelle ces expériences m’ont plongées, d’autant qu’à l’adolescence, je me suis enfermée chez moi pour ne pas avoir à vivre d’humiliations en compagnie des jeunes de mon âge. J’ai intéressé certains professeurs et partageais avec eux exclusivement, mais je ne garde vraiment qu’un souvenir amer de ces années de collège et de lycée en terme de socialisation.

Maintenant que je suis adulte, je base ma sociabilité sur mes rapports familiaux et les sphères qui se rattachent à mon clan d’intimes. Si je rencontre de nouvelles personnes, c’est toujours par l’intermédiaire de ceux qui me sont déjà proches. Je ne vais pas au contact facilement et si les gens veulent me connaître, ils viennent me voir, sinon et bien tant pis. Ma sphère professionnelle est vu sous un angle familiale également, même si cela n’a rien à voir qu’on s’entende bien, cependant, j’ai pris du temps pour me sentir exister au sein du groupe, et je crois y être parvenue par l’intermédiaire de médiations de conflits dans lesquels je n’avais aucun intérêt personnel, de soutien et d’aide aux autres en règle général. Ce que je ressens est un sentiment assez clanique, où j’ai l’impression qu’il me faut travailler au bien-être de l’ensemble pour que tout fonctionne et c’est la seule façon dont j’ai réussi à me faire accepter depuis que je suis petite.

J’ai choisit d’user de ma sensibilité comme d’un scanner qui me permet d’identifier les non-dits chez ceux de mon entourage et résoudre les problèmes en coulisse, loin des attentions trop insistantes, dans l’anonymat. Le fait de savoir que j’ai contribué à arranger les choses me satisfaits amplement, c’est ma petite gloriole personnelle, mais elle n’a pas à être mise en avant. Je préfère les relations intimistes où la sincérité peut éclore dans le partage. L’insertion sociale n’est donc à mon sens, qu’une suite de comédies où les uns tentent d’écraser les autres pour prouver qu’ils sont plus valeureux, tirer leurs épingle du jeu communautaire pour avoir plus, toujours plus. Je ne peux pas m’épanouir personnellement dans ces circonstances, car pour ma part, nous devons vivre ensemble et mettre nos qualités au service du collectif. Toutefois, la superficialité de nos sociétés nous obligent à défendre l’hypocrisie ambiante et à suivre le troupeau. Cela ne m’intéresse pas, je ne suis pas faite pour calculer mes interactions avec les autres, je refuse d’entrer dans ce jeu social dans lequel on pratique la stratégie sentimentale, j’ai trop besoin d’éprouver avec les yeux du cœur.

Voilà Urano, j'ai choisi de ne pas faire de parallèles avec mon thème natal pour éviter d'être dans l'interprétation et faire des correspondances qui n'auraient pas forcément été avisées. Je ne sais pas si c'est cela que tu attendais de celles et ceux qui ont pris le temps de témoigner pour servir ton étude.

Bonne continuation,

M.