Le vendredi, tout particulièrement, il salue tous ceux et celles qu'il croise dans la rue (de sa fenêtre).

Sa collègue portait un chandail couvert d'icônes sur la poitrine, il a appuyé sur chacun d'entre eux.

De sa fenêtre...il a le bras long

Faire le tour du rond-point lui semblait bien long, il a pris directement par la gauche.

Demain jour de courses, en tête de liste, trouver un caleçon en tête de gondole et l'essayer sur place.

Et comme on est vendredi il se dit que c'est le bon moment pour s'ouvrir une p'tite bouteille de vin sans sulfite ni pesticide - parce que ça rend fou lui a susurré à l'oreille sa voisine dans l’ascenseur l'autre soir...
Il hésita entre prendre cela pour une invitation ou l'inviter elle, chez lui.

Seulement voila il souffrait du syndrome de Diogène, et son appart était con-damné depuis longtemps. Il raya donc d'un trait la 2e option. Restait plus que la 1ère, tandis que les portes de l'ascenseur s'ouvraient et qu'il n'avait plus que son petit cul à contempler tandis qu'elle lui dit "bye" de la main sans même se retourner.

Il siffla la bouteille dans la soirée, seul comme un con, assis sur ce qui lui faisait office de canapé.

Ça lui a rappelé son cyprin doré (poisson rouge) auquel il avait coupé la nageoire droite (---> Plume, l'anecdote du marin au long cours). Du coup, Cyprien (c'était le nom du poisson) ne tourne plus que de droite à gauche. En outre, il évite les rond-points. Il n'aime pas trop la couleur des fleurs qu'on y dépose sur la bute.

C'est vrai que la voisine dans l'ascenseur lui avait fait un effet boeuf. Mais après la seconde bouteille de ce picrate, ma foi, fort oxydé, il s'en était retourné, benoîtement, à sa collection de timbres.

Et puis d'un coup, il eût envie d'appeler Lorant Deutsch, histoire de savoir ce qu'il pensait de tous ces ronds-points à la mords-moi-l'noeud qui florissaient en milieu carcéral.

P.S: Son caleçon n'ayant eu aucun succès en tête de gondole.

Prisonnier dans ses propres délires, à imaginer l'autre jeune qui ne vieillit que sur le papier, lui parler comme à une ombre pour pas avoir la sensation d'être aussi seul que ses murs d'échos le lui laissent supposer dans ses moment de lucidité.

Un fou, peut-être bien, mais quel fou ? Celui qui n'a jamais su prendre conscience du monde, ou celui qui en a trop vu pour rester sain d'esprit ? Aller, un petit coup de rouge oxydé la-dessus, ça devrait suffire pour vomir autre chose que son âme désabusée, sur ce drôle de buvard à personnalités multiples...

Quand un peu plus tôt dans la journée, il saluait ses inconnus marchant sous son balcon, il avait pu voir toutes sortes de réactions différentes que celles de ses démons à facettes.

Les suspicieux et autres angoissés fronçaient les sourcils et le regardaient tel le fou qu'il voulait être pour mieux se rire d'eux. Les peureux l'ignoraient comme s'il était un danger à leur bienêtre, simplement parce qu'il les sortait de leur silence intérieur pour les interpeler au hasard.

Et il y avaient les optimistes, ceux qui lui souriaient et lui renvoyaient sa salutation entre moquerie et joie incongrue. C'était souvent d'autres fous qui s'amusaient le plus de ses impudeurs sociales, et il lui plaisait de reconnaître leurs âmes d'enfants à travers des "bonjours" sans cesse réinterprétés, uniques en chaque cœur qui lui réverbérait sa profuse humanité.

(Gru ? C'est quoi la règle du jeu ?)

le fou, il avait le matin même,tiré cette arcane avant d'aller chercher dans le brouillard de la 11ème avenue, sa 3ème bouteille - il ne savait pas encore la règle du jeu…….……...

...au grand jeu de Māyā... la seule règle est le noir oubli...
Honni soit qui fou y pense !

"la nuit, tous les chats sont gris"... se dit-il en observant les toits de sa fenêtre. Une chauve-souris s'envola... Un chat se promenait, se faufilant discrètement le long des murs... Décidément, il n'arrivait pas à trouver le sommeil.
Il but encore quelques gorgées de la bouteille... en pensant aux formes de sa jolie voisine... C'était presque la pleine lune...

A la troisième gorgée de la troisième bouteille, il avala de travers. Il s'enfonça immédiatement la main (droite) dans la gorge et régurgita. Un petit morceau de papier ramassé en une petite boule compacte se trouvait à ses pieds. Il le déplia.
Un mot griffonné à la hâte.
Il déchiffra: Neptunia

Dehors, un homme en veston sombre faisait les sans pas. Toutes les 30 secondes, regardait sa montre.
-Cheliel est-il? Cheliel est-il? répétait-il en boucle.

excellent

N.E.P.T.U.N.I.A se répétait il en boucle en épelant chaque lettre...

Etait ce un message secret ? Et si oui de qui ?
Sa voisine ?

Ou était-ce tout simplement le prénom de cette donzelle aux yeux de biche et au cul si tentant....

Il ne savait pas, il ne savait plus. Car il faut bien le dire, la 3e bouteille ne faisait de lui rien d'autre qu'un Cadavre Exquis.... pour qui aime la viande faisandée!

Pas de bol elle était végan et ne jurait que par les suchis aux petits légumes...

Machinalement il alluma la télé.
Les infos.
Il s'ouvrit une boîte de thon. Pensa à sa voisine à la paire de loches considérables. Sa tête lui semblait en définitive assez quelconque. Enfin, encore une de ces beautés fades que le maquillage ne réussit pas à dynamiser plus que ça.
Peut-être qu'à l'autopsie, y verrait-il affluer le charme comme le sang sur ses joues. Un sourire peut-être. Rien de plus.

-Neptunia, répétait-il en boucle, un mantra, dans sa tête.

Il poussa le bitonio du volume.

A l'autre bout de la ville, on venait de repêcher le cadavre (exquis) d'une femme nue et sans tête justement.

Toc!, toc! 

Alors qu'il allait se resservir au goulot toute sa cave pour trinquer au karma face à sa télé, le fou entendit frapper à la porte.

Toc!, toc! 

Il se leva, se ressaya, se releva et avança vers la fenêtre.
Les gens continuaient à courir après leur vie en arpentant la rue tels des automates, continuaient à faire semblant d'être normal pour être comme tout le monde.
Pas l'ombre d'une âme qui vive à sa fenêtre. Pourtant toc!, toc!, encore et encore.

Il tourna trois fois sur lui-même afin d'inspecter trois fois le tour de son monde mais toujours personne à l’horizon de sa fenêtre. Qui pouvait donc tambouriner là-haut ? 

Toc!, toc!!, toc!!!, toc!!!, ouvre-moi ton pavillon à la fin du début de ton oreille. C'est moi, bordel ! 

Il grogna, ronchonna le temps d'arriver à la cuisine. Toc!, toooc!
Il fouilla dans un tiroir sans se prendre la tête et sortit une cuillère à escargots de sa vieille boîte à piano.
Toc!, toc!, toc!!
Rhaaaa, ni une, ni doux, il enfonça l'objet dans son oreille et en sortit un moustique.

Tututute, hey, toi, petite, derrière ton écran, change de ton, veux-tu... Parce que, merde à la fin, je suis une fée, répondit la chose à moi-même.
Le fou la lorgna longuement avant de lui dire « moi aussi!! ».

_ De quoi donc, toi aussi ?, lui demanda-t'elle tandis qu'elle défroissait ses ailes sous un filet de jus de citron qui trainait nulle part ailleurs ici.
_ Et bien, moi aussi je suis Fé.
_ Ah oui, montre un peu pour voir, le mit la fée au défi.

C'est alors qu'au beau milieu de l’extrémité de sa cuisine, le fou clapota des mains pour mimer les ailes virevoltantes d'une fée en chantonnant :
« Je suis Fêéééelé, comme toi. Et ça te fait les pieds que tu n'as pas, lalalaaa!!!! ».

Elle le regarda, troublée. Il y avait quelque chose de touchant chez lui. Dans ses fêlures. Oui, des traces sans doute de toutes ces fois où il avait dû être trop touché.

_ T'es beau d'être fêlé, tu sais. Tu ressembles à ton amputé du bocal quand tu danses.
_ Toi, tu existes pour de vrai, affirma-t'il en s'affalant de tout son poids dans l'évier de la cuisine.
_ Assurément que je suis on ne peut plus vraie. Je sors tout droit de ton oreille qui est accrochée à ta tête qui est elle-même suspendue au firmament. Dis, j'ai une questi??... Je peu ? murmura à demi-mots la fée.
_ J'ai une réponse... Je peux.
_ Je t'ai vu tantôt utiliser des flèches lorsque tu parlais à la plume... Tu en mets partout, souvent. Est-ce que cela signifie que tu connais le sens de la vie ?

Le fou ouvrit le robinet, le refermât, le rouvrit, ouvrit sa bouche, le refermât en affichant une moue pincée à mollettes.
_ J'ai une réponse, je peux. Si tu suis. Tous les chemins mènent à rhum.

La fée médita et acquiesça d'un air entendu (elle venait tout de même de son oreille) avant d'ajouter toujours à moitié de voix d'un satin qui craque :
_ Dis, j'ai une aut questi??... Je peu ?
_ J'ai une réponse... Je peux.
_ Est-ce que tu vas casser si je te touche parce que t'es bien ébréché. Dis, ça va te mettre en vrac ?

Pour toutes réponses, un haussement d'épaules du fou. Il la regarda, elle le regarda. Il la regarda le temps que ça casse. Elle le regarda le temps que ça passe.

Au bout d'un mois de quelques secondes, le fou fit le poirier devant la fée.
Dans cette posture, elle comprit qu'il se mettait en jambes à l'envers pour ne pas être trop retourné du dedans quand elle le toucherait.
Elle avança avec une lenteur infinie, se pencha vers son visage, le regarda pendant que lui fermait les yeux pour regarder à l'intérieur de son regard et de lui-même. Elle retint son souffle, le scruta, retint son souffle encore, toussa un coup et lui toucha le pif du bout de l'aile.

Ils attendirent un temps de commencement final jusqu'à ce que de rire, le fou plia.
Comme des fous, ils rirent pour je-ne-sais-trop-quoi. Et me dirent de la boucler.

La fée disparut dès que le fou se remit sur ses deux jambes.

La sou-mise qu'il vénère au point de lui ôter l'existence en enfer, qui a la main-mise. La sous et su, le sur est saoul, et à la fin, tout les comptes sont à crédit.

-(Gru ? C'est quoi la règle du jeu ?)

Répétait maintenant cette voix inconnue qui lui était apparue tout à l'heure en elfe avant de regagner son oreille.

...une femme nue et sans tête, deux jambes à l'envers et à crédit, des voix d'elfes...

Trop de mercure dans ce thon, se dit-il...tant pis, et puisque les fées-rient, je dégoupillerais ma vieille bouteille de rhum...
ô vieux capitaine, levons l'ancre !
Au fond de l'Infini pour trouver du nouveau !

Alors même qu'il se récitait sa prose intérieure, il comprit. Il était en mal d'aurore, comme d'autres étaient en mal d'amour. Il avait vécu trop de crépuscules sur les bords de sa sobriété, à contempler les sombres vagues que la nuits reflétaient.

Mais même si elle lui manquait, l'aube était menteuse. Elle pouvait promettre l'extase naissance et se changer en calvaire, quand l'envers n'annonçait que les ombres, parfois pailletées d'étincelles mouvantes, parfois plus insondables que sa folie.

En mal d'Aurore, oui, mais elle était partie vers d'autres encravatés aux portefeuilles gonflés, plus sérieux que lui dans les jeux de société. Alors il se laissait des énigmes jusqu'au fond de son gosier imbibé, un mot aussi flou que ses espérances : "Neptunia".

Était-elle à l'est de son éveil, ou lui mentait-elle sa perdition en lui faisant cadeau d'une addiction assumée pour la bouteille ?

"Cheliel était-il comme se plaisait à s'en interroger le manant en bas, ou tel mon temps s'ignorait, pour n'être plus que vue d'esprit ?" se demanda le fou qui faisait encore diversion pour échapper à ses ténèbres pensés.