Rappel du premier message :

Très belle composition toute en grâce, subtilité et légèreté, comme toi Milacik,

Ah, Milacik, quel plaisir

Belle ouverture que ces yeux à demi fermés qui ne fait que s'agrandir, échappant ainsi à l'attendu, à mesure que le présent submerge l'infini qu'il contient.
La lecture est agréable et fluide. Je me suis laissée porter par l'élégance et l'intensité de ta plume. Un superbe instant qui suscite la plus douce des émotions, comme toujours.

ENYLEVED, Navane 🥰

Je suis ravie que mon poème suscite en vous une belle émotion 🥰

Vos mots me touchent, je vous embrasse 🥰

Je viens de voir, seulement, joli.

Merci Maldo, ton compliment me touche aussi

Magnifique Milacik l Ôde , comme une goutte dans l océan.

Bergame a écrit:

Magnifique Milacik l Ôde , comme une goutte dans l océan.

Merci Bergame

Tu es douée

Hommage

J'aimerais, profitant d'une ivresse (totalement exceptionnelle),
rendre hommage à cette femme. Cette muse sensuelle, pour moi providentielle, qui je pense m'a aimé à travers vents et marées. Longtemps. Qui m'a vu comme un Dieu et ensuite comme un diable. Une portion de minable. J'étais juste le même mais j'avais fait le poirier ou elle avait changé.

Je n'étais ni Crésus à peine moins Diogène. Juste resté fidèle à ces choses indicibles qui viennent du tréfond des enfances bousculées. Qui font et feront toujours que nous ne sommes pas les mêmes. Qui actent nos différences, nous burrinent aux sarcasmes, tatouages de fortune à nos coeurs pantelants.

On remonte toute une vie, parfois à reculon, en quête d'un regard où on lit le pardon chez une jeune ingénue qui vous baise le front. On complique l'existence, on côtoie le néant de peur de perdre encore le chant du cormoran.

Quand on a tout rasé et qu'on a tout perdu, au bout d'un orgueil froid , Ô désidérata, qu'on se retrouve livide sur la hune ondulante. Quand notre bel intérieur est un amas de ruines, on regarde le soleil tout perclus de douleur et on dit merde au ciel.
On dit merde à la vie, au royaume de l'herbe et aux chiens égarés.

Ta beauté fracassante m'a tué d'un regard, tu avais dix sept ans, roulée comme une déesse, j'aurais pu te baiser, tu étais dans mon lit. Comme tous les amoureux, tu m'as impressionnée, j'ai préféré attendre. De peur de tout rater. D'être un coup passager. Et puis tu t'es mariée.

Bref, je t'ai retrouvée quelques années plus tard et j'ai vu Antioche et la déesse Ishtar.
Mes plus beaux voyages horizontaux ou non, c'est avec toi que je les ai parcourus. J'ai vu Bysance, Saint-Pertersbourg, j'ai vu le Kent, toute la région de Barnaby, les Cornouailles et même l'aiguille creuse d'Etretat. Et plus encore et puis qu'importe. Tu m'as bien balader.

Longue vie à toi et à tous les hommes qui à un moment de leur vie te porteront sur leur coeur comme un beau talisman.

A l'angle de mon glaive


A l’angle de mon glaive qui pénètre ta lumière

Sur un delta de mousse sertie du diamant

Ton joyau dérobé et mouillé du Mystère

Je me borne à soigner ma ferveur d’amant


Que je gravisse ton corps ou qu’il se frotte au mien

Le désir me transperce pour me mener au gouffre

Où vacille ma conscience par delà Mal et Bien

Et se demande parfois si j’exulte ou je souffre


Quand par grands jets, d’une fois, t’investissent mes lances

Pour nous clouer tous deux, crucifiés au plaisir

Cet accès bienfaisant de brûlantes semences


Nous assiège les reins d’une douce violence

Emporte notre esprit tout au loin, en vacance

Avant qu’il nous apaise du vertige de mourir.

( An 2000 par là)

C’est beau, Maldo.

Elle t’aime toujours, j’en suis sûre, par-delà Bien et Mal.

Deux jolies compositions, Maldoror... Surtout cet "Hommage". Très touchant.

Très beau

Milacik a écrit:

[...]

Dans l'œil de l’autre, contempler son âme,
Sa propre beauté sans limites;
Dans l’abandon du “JE” rigide -
Sentir l’extase du cœur qui se pâme.

L'amour de soi à travers l'autre.

Maldoror a écrit:

Hommage

J'aimerais, profitant d'une ivresse (totalement exceptionnelle),
rendre hommage à cette femme. [...]

Je suis jalouse, moi ça donne pas ça - à l'écrit - quand j'ai bu. Très joli, Maldo.

Merci pour vos partages et bravo pour votre créativité .

Je participe en mode "caché", merci de ne pas "citer"

Il est grand jour beau,
Le soleil est sur ma peau,
Le saint monde est sot.

Hé-hey, contente de découvrir une nouvelle plume... Merci pour ta participation, Cassiopée




Un léger saut dans ton monde, Craie, pour simplement t'adresser un bien le bonjour

Coucou Navane , merci pour tes mots!
Tu as tout compris à mon texte et à la métaphore choisie
A bientôt

Après celui d'une pensée, d'un regard et d'une caresse, je continue d'avancer...


Le temps d'un partage

Le jour est nuit en cet après-midi de décembre. Lisse et familière, la pluie s'écoule sur la fenêtre de la salle à manger. Je suis là, entre les saveurs du goûter que nous prenons et le poème tiède de tes yeux. Tu es là, entre cette peau qui s'agrandit dès qu'elle te croise et l'étincelle de mon sourire. Tout est déjà là pour qui sait le voir et l'apprécier.

Depuis nos premières caresses, les touchers se sont épanouis sur un rythme qui nous appartient. À chacune de nos rencontres, tu avances un peu plus sur nos peaux. Parce qu'il n'est pas facile d'apprivoiser une vie de repli charnel, même si tout mon corps en appelle à toi. Parce que justement tout mon corps n'en appelle qu'à toi.
Doucement et sûrement, tu prends tes marques avec une délicatesse qui me désarme encore. Chaque geste est aveu de tendresse. Le chocolat dans lequel tu me fais croquer, la paille du café que tu presses à mes lèvres, ce coin de peau recueilli sur un bisou qui s'attarde, le bout de tes doigts qui replace mes cheveux derrière l'oreille, ton corps qui se glisse près du mien lorsque la fatigue me couche et les douleurs me terrassent... Autant de moments fragiles qui nous effleurent d'existence sublimée.

Je te touche beaucoup aussi, tout le temps, lorsque je pose l'envie sans détour. Lorsque je te chatouille d'une repartie, de mon âme, d'un regard aimant. Parfois, je te regarde tellement que je te sens presque fondre dans mes bras.
Je t'enlace quand tu viens ici pour te réfugier dans mon lit. Deux fois en quelques mois alors que nous nous lovions dans notre histoire. Tu entres ou, lorsque je suis absente, ouvres avec la clé que je t'ai offert, comme à tous les membres de mon univers. Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai besoin que chacune de mes étoiles détiennent un double. Une façon de symboliser ce cœur à ciel ouvert de les savoir exister, cette chance d'y cheminer avec et grâce à eux. C'est ce que je t'ai expliqué ce jour-là. Tu étais tout tremblant de cet égard réservé et de ce qu'il recelait. La tienne était accompagnée d'une breloque fleur. Rien de bien fantaisiste, c'était un pendentif taillé sobrement. Mais s'il fallait l'accrocher avec les tiennes, autant que ta nature essentielle se rappelle à toi dès que tu la verrais.
Et je crois que c'est ce que tu viens retrouver ces rares fois où tu traverses l'appartement jusqu'à ma chambre, sans un bonjour ni rien, et t'effondres dans mes draps. La vie demeure brutale et tu n'as parfois pas assez de tes myriades de bulles pour respirer lorsque tu te noies d'avoir trop mal de ressentir. Alors, tu te réfugies dans la mienne, de bulle, dans mon cocon, jusqu'à ce que les douleurs se calment et que tu reviennes à toi-même.
La première fois, inquiète, je t'avais suivi. Mais d'un infime geste de la main et d'un regard débordant de maux, tu m'avais signifié de rester où je me trouvais. Je t'ai regardé t'y enfoncer sans poser de question. Le moindre mot aurait sonné comme la déchirure d'un monde en deux. J'étais déjà là, quelque part, habitée par tout l'Amour que je te destinais. Et c'était la simplicité de cette présence dont tu avais le besoin absolu.
C'est notre morceau de ciel que tu retrouves ici, les bras de notre univers que tu élargis lorsque tu me fais le privilège de ta présence.

Oui, je te touche. Je te caresse lorsque je sens ton cœur battre en mon sein. Je te chahute de ces éclats de rire qui remontent le long de ta nuque. Cette nuque, ce cou. Il y a des rivières de poésie qui affleurent sur ses lignes quand je m'y accroche toute entière. Si tu savais tout ce qui affleure de toi...
Je t'effleure de mon sourire espiègle creusant aussitôt ton adorable fossette. De tout ce que nous nous confions des heures durant et ce que nous taisons sans ne jamais rien altérer des rêves qui nous relient. La mélodie de nos âmes ondoyantes étant déjà un défi aux immuables secrets que le monde garde en sourdine.
Et souvent, dans un écho qui ne cesse de m’émouvoir, tu réponds aux élans terrés en mon corps par une caresse, m’allégeant autant que tu peux d'une pesante frustration. Tu me lis, littéralement, entre les lignes de nos touchers d'âmes. De cette sensibilité extrême, tu abolis l'inaccessible. Ensemble, nous franchissons les seuils du possible.
Oh, bien-sûr, j'aimerais t'offrir davantage en t'enveloppant des milles et une spontanéités que tu inspires à mon cœur. Si je devais les décliner une à une, nous remonterions jusqu'à l'aube des aubes. C'est loin et si près à la fois. C'est tout ce qu'il y a entre nous et ces quelques centimètres qui nous séparent en corps. Un érotisme échevelé s'y tient à l'orée, prêt à se déverser pour chanter en chœur sur notre Amour.
Nous virevoltons sur une harmonie singulière que je n'échangerai pour aucun horizon au monde. Tout est si naturel entre nous. Tout n'est que liberté en perpétuel devenir. Nos êtres, d'avoir trop connu la violence et un exil qu'ils n'ont pas choisis, ne cessent de se retrouver pour une première fois d'où jaillit une floraison inévitable.

L'espoir pour acquis, nous sommes là, encore et toujours. Le café pris, je te regarde écrire sur le coin de la table. Ça te prenait soudainement. Tes inspirations sont éternelles. Des instants qui te saisissent dans l'instant. Et j'aime tellement ça, toi dans l'instant, l'instant en toi, qu'un jour, aidée par mon auxiliaire de vie, j'ai disposé dans chaque pièce de mon appartement des petits carnets et post-it afin qu'il ait toujours un support pour déployer ton âme créative.
Et parce qu'il fallait un gardien à ces espaces sacrés, j'ai choisi d'accompagner chaque carnet d'un mini doudou. Mini ours, mini singe, mini loup, mini baleine, mini panda. Tu étais comme un môme lorsque tu as d'abord découvert les terres de mini ours (baptisé Nuage pour son pelage blanc), puis ses compères un à un quand j'ai ajouté, toute de féerie vêtue, qu'il y en avait d'autres. Les yeux injectés d'étoiles, tu es alors parti dans une véritable chasse aux trésors en me lançant des « mais pourquoi, fallait pas... » aussitôt suivis d'un « Oh, il est trop chou, lui ! ».
— Mais pour ça, pardi, ai-je soufflé, pour te voir comme ça.

Depuis, il y a partout de quoi écrire. Je tiens à ce que tu te sentes bien quand tu es là. Je tiens à ce que ton âme puisse s'encrer à loisir.
J'aime te regarder créer et recréer, composer, dessiner, gribouiller. Comment ne pas aimer ? Comment ne pas être heureuse d'être assise au bord du monde près de toi, d'en toucher la substance vivante dans ses couleurs et ses béances ? Comment ne pas t'aimer ? Ces mots au-dedans qui fleurissent au-dehors, c'est un émerveillement en constant mouvement. C'est toi dans la pure abstraction et ton infinie entièreté. Tu es beauté.
Parfois, tu notes aussi quelques brides de nos échanges. Tu en laisses ici et emportes le reste pour les revisiter de ta créativité. C'est une façon de nous emmener chez toi, nous inscrire et réinventer là-bas, m'as-tu expliquée un jour où tu me faisais part du regret que ton appartement ne soit pas dans un immeuble accessible. Ces petits mots, ce sont nos mondes qui s'entremêlent, tout constellés de post-it colorés.
Dans une contagion divine, il m'arrive de le faire aussi depuis mon téléphone pour les reprendre ensuite dans un récit poétique. Dans tous ces temps que nous prenons et s'épanouissent à t'écrire par delà l'instant qui les a fécondés.
Celui-ci en est un. Il n'y a qu'avec toi que je peux me le permettre. Il n'y a qu'avec toi que je veux me le permettre.

— Un homme qui dansait dans la rue.
Ce sont avec ces mots que je romps le silence qui nous étreint depuis quelques secondes. Suivre le fil de mes pensées, de mes envies, les partager sans brider, avec mes cassures et mes rondeurs, comme ça me vient, comme ça me chante. Ça aussi il n'y a que toi pour arriver à me suivre parce que nous sommes faits du même sens.

Tu relèves tes yeux poèmes, les clignes lentement. Une lumière inédite semblent les traverser. Je continue :
— Mercredi matin. J'étais en voiture, je rejoignais Sonia pour déjeuner ensemble, quand j'ai vu un homme danser dans la rue. Il était seul, pas de téléphone dans les mains, rien dans les oreilles. Et il dansait.
— Un fêlé, peut-être, réponds-tu, un sourire en coin. Il y a de la gourmandise. Il y a un plaisir qui ne demande qu'à se prolonger en alimentant le décalage, l'innocence qui culmine dans l'extravagance apparente.

— Si être vivant, c'est être toc-toc, alors ce gars en tient une sacrée couche, te dis-je dans un petit éclat de rire. Le gars, il dansait. Pas un petit pas de danse guilleret. C'était de la joie pure, une libération, il exultait. Dans la grisaille alentour, il avait des allures de Noël avant Noël. Les passants avançaient les visages fermés, affairés à leurs pensées, et sans doute avait-ils des raisons de faire cette tête. Mais lui, il dansait. Bon sang, c'était dingue, ouais, Faël. Je n'ai jamais vu quelqu'un danser dans une rue. Pour un peu, je voulais descendre de la voiture pour l'accompagner. Mais on était à un feu, ça aurait foutu le bazar dans la rue. Hmm.
— J'imagine aussi bien cet homme que le joyeux bazar que tu aurais créé. L'innocence se fondant à l'insolite, le présent devient souhait... C'est toujours l'inattendu qui fait la beauté du moment. Mais dis-moi, c'était sur quelle musique ? Si tu associais une musique sur ce moment, tu choisirais laquelle ?
— Hmm... Un Boléro de Ravel. Il est apparu au moment où l'œuvre culmine.
— Une ritournelle solaire... à la fois simple et complexe, ajoutes-tu les yeux fermés pour te recueillir dans la musique que tu saisis sur la mesure orchestrée par tes doigts délicats. La mélodie semble se faire désirer tandis que le rythme est lancinant... Chaque nouveau fil est parfaitement introduit et entrelacé dans la structure qui s’élabore, dense et lumineuse, dans un mouvement progressif jusqu'au feu d'artifice final.

Là, tu rouvres les yeux et les miens s'y suspendent. Et tu attends. Tu m'attends. Tu entends le sang pulser dans mes veines, j'entends la vie pulser dans les tiennes. Sur la grâce de ton esprit mêlée au sublime de ta sensibilité, fignolé jusqu'à l'oubli de soi, je suis complètement transportée. Comment ne pas l'être ? Nous nous sourions. La pluie pour écrin, un merci silencieux s'arque sur nos visages.

— Quelles sont les probabilités pour rencontrer en plein mois de décembre quelqu’un qui danse dans une rue ? Pas énormes, quand même, non ? Quelles sont les probabilités pour que ça arrive dans une vie ? Des milliards d'années d'histoire, un Big Bang qui a permis que la vie se développe sur Gaïa. Les premières cellules fossilisées, la faune et la flore, les lézards, la préhistoire, des hommes et une infinité de cieux étoilés, l'humanité qui se peaufine sur des temps qui s'égrènent indéfiniment. Des humains, une petite brochette d'humains, avec les aïeux d'un être, une série vertigineuse d’événements... L'histoire de cet homme dont je ne sais rien, absolument rien, si ce n'est qu'il a, comme tout le monde, son histoire, son quotidien et que l'on s'est retrouvés au même endroit ce matin-là et que ce moment constitue un des moments magiques de ma vie. C'est un improbable miracle, Faël. T'imagines, un peu ?
— Quand on observe les événements au prisme de l'Univers, tout devient fabuleux. Quand c'est une petite poussière d'étoile qui le fait, tout devient fabuleux.

Sur ces mots, tu saisis ma main et y déposes un baiser si tendre que je frissonne :
— Même si je partage ton émerveillement, et ô combien, il me faut avouer que je suis un peu moins surpris que toi, continues-tu.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Tu as déjà dansé dans la rue, non... ?
— Oh oui, souvent, surtout quand j'étais enfant et jusqu'à l'adolescence.
— Pourquoi en parles-tu au passé ? Pour te connaître par cœur et partager des moments avec toi, tu danses beaucoup. Tout le temps. Et avec le temps, les élans se sont seulement transmués pour redoubler d'intensité. Tu t'envoles plus loin, plus fort que l'atrophie imposée à ta chair pour redécouvrir le monde à travers d'inédites perspectives, toujours plus attentive et sensible à ses mouvements même les plus infimes.
— Je ne sais pas. Je suis restée sur la danse physique, mais oui, ça va au-delà du corps. Danse du feu, de la pluie, de la joie... J'ai l'âme qui danse, même très souvent en ce moment, précisé-je avec une volupté légère dans la voix.
— Elle est là, la réponse, au moins en partie, poursuis-tu en t'approchant pour déposer un baiser suave sur mes cheveux. Si ton âme virevolte, les probabilités de rencontrer un homme qui danse dans la rue augmentent, ce à quoi tu ajoutes la part de magie... Peut-être que cet homme était un écho des vibrations de ton être dans l’univers irrésolu du réel ? La manifestation de ce qui se passait en toi à ce moment-là...
— Je veux bien mais c'est que je suis à moitié convaincue par le principe... Si tu veux mon avis, y'a même grosse arnaque, ajouté-je avec espièglerie.
— Tiens, donc, mademoiselle n'est pas totalement convaincue ? Je suis curieux de connaître ton avis. Développe, m'enjoins-tu d'un ton joueur, en te redressant théâtralement sur ta chaise
— Y'a une faille dans le principe. Forcément.
— Une faille ? Rien que ça ?
— Oui, très cher. Une couille dans la soupe, si tu préfères. Comment tu expliques qu'à ce jour, malgré les pensées aussi tordues que merdiques qui me travaillent parfois, aucune fiente de pigeon ne me soit tombée dessus ? Alors monsieur, appuyé-je avec emphase pour juguler le rire qui me gagne. Attends, et ça va voler haut, terme ultime de l'équation : sachant que certains ont de la merde en lieu et la place de la cervelle, constat et aucun jugement, comment se fait-il, et tant mieux, hein, comment se fait-il qu'aucune bouse stratosphérique ne leur soit jamais tombée sur le coin ? Vas-y, je t'écoute, Faël chéri.
— Oh non Nanou, t'es pas possible, t'exclames-tu en t'écroulant de rire sur la table. Que pourrais-je rétorquer après ça ? Et bien, je ne sais pas trop... Peut-être parce que tes pensées ne sont tout simplement pas merdiques. Quant aux autres, et bien, parce que les vaches n'ont pas d'aile. Ce sont les seules explications qui me viennent face aux redoutables exemples de ta démonstration.

Et nous rions de plus belle. Il y en a partout jusqu'aux étoiles. Évidemment, le moindre éclat déclenchant un écoulement, j'en pleure de rire. Deux gamins, c'est ce que nous sommes. Deux petits soleils exaltés qui jouent de tout et rien à la fois.

Tandis que tu essuies mes larmes, je reprends :
— Je ne sais pas grand-chose. J'y comprends peut-être rien à tout ça et, dans le fond, ce n'est rien parce que c'est vraiment chouette de voir un homme qui danse dans la rue. Aussi fort que l'étoile filante qui a traversée le ciel de mes vacances l'été dernier. J'aimerais que tout le monde se sente si léger que la rue devienne un ballet gigantesque. J'aimerais que chacun fasse un jour ce genre de rencontre, l'expérience d'une réalité augmentée sans artifice technologique.

Sur une profonde inspiration, tu poses ton front tout contre le mien :
— J'aimerais tellement que tout le monde revienne à la vie dans la puissance d'un émoi... J'aimerais que tout le monde porte en soi quelqu'un qui lui fasse danser l'âme. J'aurais aimé que tu le voies. C'était magnifique.
— Nanou ?

Tu recules légèrement, les yeux vrillés aux miens et nos mains entremêlées sur ma cuisse :
— Comme toi, je nourris ces vœux. Pour tout dire, j'ai l'âme qui danse quand je t'invoque dans mes pensées ou quand tu les rejoins naturellement. Aussi, ces derniers temps, il m'arrive souvent de danser là où cela m'enchante. Et dans la rue, pas plus tard qu'en venant ici. Tant que nous serons là, tant que nous serons, je danserais dans la rue.

Je ne sais rien du monde, seulement qu'il se soulève à cet instant précis.

— Raphaël ?
— Oui ?
— Embrasse-moi.


Navane, le 7 avril 2022.