Rappel du premier message :

C'est très très beau mais je n'ai pas encore terminé.
Je lis ce texte en plusieurs étapes comme un nectar qui se sirote en en mesurant les caudalies jusqu'à l'âme.

Et je reviendrai donner mon avis.

cheliel a écrit:

— Toujours.

Quelle beauté profonde et touchante. Merci, Nanou des nuages, pour tes mots, la mélodie dansante de ton âme qui s’écoulent allégrement sur les pages d’un temps de partage. Mes yeux sont mouillés de joie, mon cœur emballé des espoirs qui renaissent entre tes lignes, magiques et étourdissantes de délicatesse. Tes évocations m’imprègnent d’émois et je danse aussi au son de tes échos frissonnants. Quel beau présent que celui dans lequel tu partages la poésie de tes sensitives chorégraphies.

Cette ligne que tu as ajoutée, cheliel, elle est tout simplement magique. Ce temps n'en devient que plus illimité encore.

Merci à toi d'avoir réenchanté ce partage en y apposant cette touche singulière et de l'avoir investi à ce niveau. Finalement, nous l'avons bien écrit ensemble.
Je suis ravie, t'as même pas idée, qu'il t'ai plu. Pour le côté étourdissant à la lecture, j'avoue que l'écriture a occasionné des petits vertiges. Pas désagréables, hein, loin de là. Mais ces "temps" me traversent toute entière. J'évoque des choses personnelles. Au-delà (ou au-dedans) du contexte imaginaire, je suis impliquée, pleinement et entièrement, parce qu'il est question, entre autres, du lien d'amour et de mon corps handicapé. Mais aussi la sensualité et l'érotisme qui s'ébauche. Écrire un texte sensuel ou érotique, c'est facile et amusant, mais ça n'a jamais été à travers mon corps malade. Et là, c'est très difficile à aborder et à la fois naturel.

Il n'y a vraiment qu'avec toi que je peux aller sur ce terrain.

Maldoror a écrit:

C'est très très beau mais je n'ai pas encore terminé.
Je lis ce texte en plusieurs étapes comme un nectar qui se sirote en en mesurant les caudalies jusqu'à l'âme.

Et je reviendrai donner mon avis.

Grand merci de ce temps pris pour ta lecture et tes premières appréciations, Maldoror. J'ai hésité à présenter ce texte en deux parties afin que sa longueur ne rebute pas trop. Mais je me suis vite ravisée car j'aurais cassé le fil. La première partie installant et déroulant la seconde partie.

A Serguei Iessenine

Vous êtes parti,
comme on dit,
dans un autre monde.
Le grand vide…
Vous fendez les étoiles
en plein vol.
Plus de troquet pour vous,
plus d’acompte.
Plus une goutte d’alcool.
Non,
je ne ris pas de vous,
Essénine.
Dans ma gorge il y a
une boule,
un sanglot.
Je vois
votre main entaillée
qui s’obstine
à secouer le sac
de vos propres os.
Allons,
arrêtez ça !
C’est vraiment trop moche !
Laisserez-vous vos joues
être blanchies de craie
par la mort infecte,
vous qui n’aviez jamais
votre langue dans la poche
et qui
mieux que personne au monde
saviez clouer un bec ?
Alors, pourquoi ?
Perplexité immense.
Les critiques bredouillent :
c’est à cause, vous voyez bien,
de ceci…
ou cela…
Surtout, pas assez d’alliance
et donc beaucoup trop
de bière et de vin.
Soi-disant,
il aurait suffi de troquer
la bohème
contre la classe,
et sous son influence,
moins de bagarres et de raclées.
Mais la classe,
est-ce qu’elle étanche
sa soif avec du kvass ?
La classe
elle aussi
aime bien picoler.
Quant au canif
et à la corde pour se pendre,
ils n’ont rien à voir
non plus
avec cette mort vaine.
Si l’hôtel Angleterre
n’avait pas manqué d’encre,
vous n’auriez pas eu
à vous ouvrir une veine.
Les épigones de tout poil
glapissent gaiement : bis !
On dirait un peloton
qui se fusille lui-même.
Mais pourquoi faut-il
que les suicides s’épanouissent ?
Il vaudrait mieux
que la production d’encre
ne soit plus à la traîne !
À présent,
entre les dents
la langue est comme en cage.
Mettre en scène
des mystères
serait déplacé, indécent.
Le peuple
créateur du langage
vient de perdre
un apprenti noceur
aux sonores accents.
Vous n’avez pas encore
de monument,
ni son de bronze
ni grain de granit,
mais en hommage
on vous jette éperdument
une fange de poèmes
et de souvenirs.
Ah, faire un scandale
comme il se doit,
pour qu’on cesse enfin
de mâchonner
et triturer vos vers !
Les assourdir
eux tous
en sifflant avec trois doigts —
nique ton dieu,
et ta mère et ta grand-mère !
Beaucoup trop d’ordure
autour de nous sévit,
il reste tant à changer
pourvu que tous ensemble
on s’y mette.
Tout d’abord
depuis zéro
refaire la vie,
et puis la célébrer
une fois refaite.
C’est une époque
plutôt rude pour la plume,
mais dites-moi,
vous les infirmes,
les estropiées,
où et quand
quiconque n’est pas un nain
eut coutume
de choisir le chemin
le plus facile
et le plus piétiné ?
Le Verbe
est capitaine
des âmes humaines.
En avant !
Que le temps derrière nous
soit déchiré
par les obus,
et que le vent
seulement y ramène
quelques touffes
de cheveux tordus.
Notre planète
est trop mal fichue
pour qu’on y jubile,
il faut
arracher
la joie
aux jours futurs.
Dans cette vie
se livrer à la mort
n’est pas trop difficile —
façonner la vie,
c’est mille fois plus dur.

(Vladimir Maïakovski)

Poème "martien".

PRINTEMPS

L’amour est un bouquet de violences
Elixir d’une joie soumise aux turbulences
Quand l’œillet qui rougeoie sous l’œil ensanglanté
Oublie dans sa pénombre tous les coïts passés

Les fièvres insoumises et les mauves rivages
Le coeur bavant la poupe et déclinant les âges
Dans l’effroyable moiteur des anales ferveurs
Souvenirs disparates où éclosent des fleurs

Humides encore Ô jalouses secousses
L'assassin transi bien tapi dans la mousse
Regrette le mari qu'il n'est plus, Belzébuth
Lui a tendu les cornes pour qu'advienne ce rut

Dans l'immorale moiteur des jardins sans pudeur
Souvenirs disparates où flétrissent des fleurs
Et parfois des serpents à l’ignoble sentence
Ou encore des vautours plein de verte semence.

(21/04/2015)

Le powète du forum c'est magnifique !

L' ETERNITE AUX CHIOTTES

L'Eternité avait un goût de chiottes
Pourtant elle me l'avait serinée
Clamée, déclinée du fin fond d'sa grotte
Où je baignais, peinard, ma destinée

Mon chéri, mon Darling pour la vie
Tu es ma mouillette et je suis ton oeuf
Je suis ton modèle toi ma poésie
Toujours s'rai ta muse, toi mon Rutebeuf

Mon chéri, mon amour joli pour la vie
Moi la vague, toi ma planche à surf
Tu es mon vaccin, moi ta maladie
Je suis ton ânesse et tu es mon boeuf

En cette crèche magique où je mettrai bas
Notre amour divin tout emmailloté
Ce tournera vers toi et dira "Papa"
Avec les rois mages tout à nos côtés

Mon chéri, mon si bel amour pour toute la vie
Moi la gleize, toi les mains sur moi
Façonne-moi selon toutes tes fantaisies
Verse ta vie féconde, verse ce souffle en moi!

L'Eternité avait un goût de morte
Pourtant elle me l'avait serinée
Inoculée sans la moindre fausse note
Jusqu'à ce soir où elle a déssaoûlé

(2015)

MON RIRE S'EST BRISE

Mon rire s'est brisé comme un éclat de verre
A l'orée de la nuit que le fleuve réverbère
Le temps a secoué son manteau d'amertumes
Déposant à mes pieds quelques bouquets de brume

Les flots bien silencieux charriaient les lumières
De la ville éteinte où filtraient des chaumières
Lors mon coeur éreinté sombrait aux goémons
Quand bien même la lune m'accordât son pardon

La vie est un poison que nous distille les Dieux
Pour réconforter l'homme ou punir le gueux
Selon qu'on soit flambeur ou entre toutes les flammes

Toujours le fleuve emporte le moindre vague à l'âme
A l'orée de la nuit que le fleuve désespère
Mon rire s'est brisé comme un éclat de verre

(2000)

Maldo, c’est beau et rempli de désespoir.

Y as-tu cru, à cette belle éternité d’amour qu’elle te sermonait?
Ou ton doute fondamental était à présent à jamais?

Il y aurait comme une incompatibilité entre l’amour éternel et le doute éternel…

Le propre du powète, c'est de "croire" quelque part, au meilleur comme au pire et souvent, ils font flots dans la même rivière. Merci Milacik. Tu as tout compris.

Oui, le poète y croit, un temps, puis est envahi de doutes à nouveau. Un fonctionnement humain normal, quoi.

Je suis sûre que cet amour éternel est là, pour toujours, c’est juste par moments que nous ne le percevons pas, noyés dans les flots de notre mental.

Si on est conscients de cette mécanique, nous pouvons rester soûls en toute confiance

Soûls un minimum de balcon, ça va sans dire

Impromptu pour Arno

Un des derniers zèbres
de cette Belgitude
une sorte de guèbre
à bien belle altitude
ô roi du lavabo
de 'l'onomatopée
du classique mambo
de l'ivresse faisandée
t'étais notre gainsbarre
d'une certaine façon
avec tes histoires
qui respirait bien bon
tous les dessous de bras
et puis les bas nylons
l'ultime kamasoutra
et tous les pièges à con
les viles simplicités
et la noire bêtise
là, comme un supplicié
qui cherche des balises
une sorte d'écorché vif
tout au fond du couloir
qui demande du rif
pour son dernier pétard
tu chantais tes tourments
au triangle de langues
habité, trémulant
comme sorti de ta gangue
avec ta voix de colle
quelque peu ensablée
et un p'tit peu d'alcool
pour nous oblitérer
tu mériterais un timbre
à ta noble effigie
au royaume des cimbres
d'esprit, ô Belgie!

Navanou




J'avais lu une première partie de ton long texte qui est troublant et profondément beau. Et je viens seulement de le terminer. Je sirotais à petites lampées, t'ai-je dit.

Je ne peux que t'encourager à le continuer, lui ajouter plein d'affluents et confluents pour élargir le fleuve, en faire une Moldau.
Un roman si tu veux. Je t'en sens le souffle. Il y a de la brillance chez toi. simplicité et brillance, c'est la marque des plus beaux feux de joie.

Et je te sens capable de faire durer le feu.

Carry on!



Extrait:


"Elle est là, la réponse, au moins en partie, poursuis-tu en t'approchant pour déposer un baiser suave sur mes cheveux. Si ton âme virevolte, les probabilités de rencontrer un homme qui danse dans la rue augmentent, ce à quoi tu ajoutes la part de magie... Peut-être que cet homme était un écho des vibrations de ton être dans l’univers irrésolu du réel ? La manifestation de ce qui se passait en toi à ce moment-là.."

Et puisque tu aimes les hommes qui dansent dans la rue.

Je ne sais pas par où commencer, Maldoror...

D'abord, à nouveau merci pour ce temps accordé à mon texte. Mais aussi pour le retour, les encouragements à continuer et ta participation poétique à ce sujet

Je dis toujours que je n'ai pas le talent et l'endurance nécessaires pour écrire un roman. Néanmoins, et en effet, il y a bien une continuité entre ces "temps" que je dépose sur ce fil littéraire. C'était pas du tout prévu et tant mieux.
Ça reste difficile à écrire à un niveau intime et sensible. L'écriture des deux derniers a été d'une intensité extrême. Parfois, j'avais l'impression d'être un canal par lequel je délivrais des mots et des maux. Je ne contrôlais rien. Ça allait au-delà de l'inspiration, de l'exaltation créative.
Sauf qu'ensuite, je me suis retrouvée complètement épuisée et vidée, avec incapacité d'écrire. Ce qui était assez embêtant.

Pour ce dernier "temps", il est entouré d'étrangetés. L'idée était présente depuis décembre, après avoir véritablement vu cet homme danser dans la rue. Oh, j'adore, il aurait pu accompagner Bowie et Jagger. On devrait tous avoir cette légèreté-là.
Au départ, ça ne devait pas s'inscrire en suite de ces textes. J'en avais fait première note, même pas un brouillon. Sauf que je n'arrivais pas à l'attraper, on arrivait pas à se rencontrer, se connecter. Alors, j'ai abandonné jusqu'à ce que les étrangetés me rappellent à lui. Comme s'il fallait l'écrire à ce moment-là, l'obligation enchaînante en moins.

Après, il y a peu de littérature qui traite de ce genre de sujet. Donc, intéressant à travailler aussi pour ça.

Il y aura peut-être un autre "temps". Je ne sais pas.

Éphémère

Poussière parmi le tourbillon,

Dans une nuit sans fin pour éveil,
disparaître, étouffer les échos,
saigner les souvenirs, la nostalgie,
d'un monde à changer,
sourd aux cris de ses créatures,
que mille forces s'évertuent à étrangler,

Nul langage, nul écrit ne suffiraient,
à adoucir une nuée de douleurs,
Le cœur des rochers, emplir,
Ce qui console, anéantir,
Ce qui illumine, assombrir,

Jusqu'à ce que les étoiles, en défaisant chaque ombre bue,
pour me fondre au-delà de la terrible nudité des choses,
réchauffent l'âme du frêle lambeau de rêves qui lui restent,
de leur illustre dédain,

Là, seulement là,
à l'ombre de toutes pensées, les yeux fermés,
mes larmes empreintes de temps,
d'évidences absurdes et d'horizons inassouvis,
ruissellent sur les terres d'une rose des vents,
à jamais figée,
de nos vies reflétées,

Ici, seulement ici,
à travers l'éphémère,

Je m'éternise.


En attendant ma kiné,
Tôt le matin du 27 avril 2022.

à travers l'éphémère,

Je m'éternise.



On dirait du Bashung (ou du Fauque, un de ses derniers paroliers, je crois)

Navane, à travers ton poème beau de douleurs,
Je te vois terrassée après une nuit sans repos,
Clouée à ton lit, trempé de tes larmes.
J’espère que la kiné est venue vite soulager tes maux.

Merci Maldoror Avec Danaé, vous avez relevé le même passage. Presque le même. J'ai hésité à ajouter "beauté" pour finalement le retirer. Avec ou sans, ça a l'air de bien fonctionner.


Ouais, je vais m'éterniser là-dedans, merci Danaé
Les séances de kiné se déroulent chez moi. Je ne pourrais pas écrire dans une salle d'attente. Il faudrait le dicter et moyen-bof quand y'a du monde. Par contre, une idée peut tout à fait germer dans ce genre de contexte et mes inspirations se poursuivre.
Tu m'as fait rire avec la plante en plastique. Si la fille est douée, la plante a peut-être pris vie sous son coup de crayon.
Ce que je trouve bizarre, c'est ce psy qui décore sa salle s'attente, et cet endroit éminemment symbolique d'autant plus, avec une plante artificielle qui ne nécessite donc aucune attention et ne dégage aucun parfum. Quoique, ça peut s'entendre aussi dans le sens patience infinie du praticien... M'enfin, il est psy. Et la bizarrerie, ça les connaît


En ce moment, je vais bien, Milacik. La référence à ma kiné et au côté matinal de l'écrit prêtent à confusion. Mais il y a bien eu un passage douloureux à l'extrême il y a quelques semaines. C'est ce que j'ai essayé d'explorer dans ce texte. C'est ce qui est venu et comme ça.
Merci pour ton mot

Au plus simple et beau, au mieux. Bravo Cassiopee 75, j'aime bien ce style, dépouillé et musical qui va à l'essentiel. Verlainien presque.

Alors, crois-moi ou non, Cassiopée, mais je me suis levée ce matin avec un jeu de mots sur le muguet proche du titre de ton poème.

Que dire...



Voilà.

J'aime beaucoup ce nouveau partage. Tout en finesse et élégance. Mais aussi des vers avec juste ce qu'il faut d'inattendu pour renforcer le plaisir de la lecture. Cet habile contraste donne une profondeur délicate au texte, avec le velouté d'une fleur et son existence en attente. Les images s'épanouissent naturellement et se dilatent à profusion. Elles muent à travers d'agréables résonances.
Léger dans la forme mais qui laisse une forte impression.

La chute est un envol.

Charmant...
Et encore charmant.

J'ai été cueillie, merci

Maldoror a écrit:

Au plus simple et beau, au mieux. Bravo Cassiopee 75, j'aime bien ce style, dépouillé et musical qui va à l'essentiel. Verlainien presque.

Merci Maldoror d'avoir lu mes mots
J'accueille la comparaison avec ravissement!

Navane a écrit:

Alors, crois-moi ou non, Cassiopée, mais je me suis levée ce matin avec un jeu de mots sur le muguet proche du titre de ton poème.

Je te crois! Quel était donc ce jeu de mot, si tu veux bien le partager ?


Merci pour ton joli et subtil retour sur mon modeste poème, tes mots sont des cadeaux...

Navane a écrit:

J'ai été cueillie, merci

Et moi charmée

Le jeu de mots n'était pas abouti, Cassiopée. Il était aussi question d'une mue. Ce n'était qu'une idée de passage que je comptais peaufiner pour la proposer sur le sujet "l'appel de l'aphorisme". D'une chose à une autre, je ne l'ai pas fait. Et j'ai souri quand j'ai lu le titre de ton poème.

Ta plume est une belle découverte. La fleur est un sujet assez classique mais tu as su la revisiter. Entre élégance, originalité et profondeur, j'adore.

Au plaisir de lire à nouveau

Pourchassant ton âme
Ancré en son coeur
Silencieusement
Subtilement
Enveloppe celle-ci de ses mémoires

Propose un nouvel instant
Ressens en ton corps
Expérimentés encore et encore
Savoures ce qui est
Embrasses tes sensations
Nourris ce qui est bon
Tournés la page sur ton passe

Fantasme de demain
Utile qu'à ton imagination
Tergiverse en vain
Une pensée d'aujourd'hui
Rêverie infinie