Rappel du premier message :

La nouvelle l'avait cisaillé.

-Quoi? Du cheval à la place du boeuf dans mes lasagnes Findus... mais par Asmodeus où va donc s'arrêter ce monde prévaricateur et insane?

Qu'à cela ne tienne, Alcantor en avait vu d'autres! La tremblante du mouton, le prion de la vache folle ou encore l'encephalopathie spongiforme bovine, la dioxine et les poulets, la listeria des fromages, la salmonellose par les crustacés ou les anchois en daube... Tout lui revenait en mémoire.
Mais Alcantor avait heureusement de la suite dans les idées. On ne l'y prendrait pas. Jamais!

Il se versa un bon verre de Collioure, un Banyuls très exactement et se coula dans son sofa pour gamberger.

L'astrologie, qu'il pratiquait pour son plaisir à ses heures perdues, allait peut-être lui servir à quelque chose de concret. Enfin.

Le lendemain, à l'Intermarché de la Tombe-Issoire, il ne manqua pas de regarder sa montre. C'était de première importance. Là, juste au moment où il achevait de déposer la barquette findus dans son panier.
14h25: c'était ce que sa tocante indiquait.

Arrivé chez lui, il se précipita sur son ordinateur. Sélectionna "Astrothèmes" sur GOOGLE. Une fois sur le site escompté, il chercha la rubrique "Ascendant et signe" qui lui permit de monter le thème horaire de la barquette de lasagnes.

Il fut d'abord fort aise de constater le résultat.
L'Ascendant pointait à 14°58 du .
Joie. Ces lasagnes seraient-elles effectivement fourrées de viande bovine comme l'indiquait l'emballage?

Mais cette première ébauche de satisfaction se dissipa bien vite en une interrogation plus dubitative.
Pouvait-il réellement faire confiance en l'astro? Ou pouvait-elle, elle aussi, mentir de façon éhontée à la manière de tous ces lobbies agro-alimentaires prévaricateurs et insanes?
That was the question.

D"autant plus qu'on était en plein mois de décembre.
Le de la carte natale se trouvait en maison 9 et en (le signe et la maison relatifs à la symbolique du cheval en astrologie). , leur maître, lui, faisant mumuse à l'Ascendant dans un collé-serré d'environs 5° aux premières lueurs aurorales de la mystérieuse et intriguante maison XII.

Alcantor sentait son front devenir bistre et se couvrir de sueurs.
- Par Belizaire, Aloudun, Euzobe et Jugurle! si ça tombe, c'est un panachage de boeuf et de cheval!
Le doute le gagnait. Il avait beau faire. Sa confiance en l'astrologie n'était visiblement pas suffisante pour qu'il s'en remît au total lâcher-prise qu'elle requérrait.

D'autant que dans son propre thème astral, son noeud nord (ou noeud lunaire censé, d'après les exégètes en la matière, lui indiquer l'objet de sa présente incarnation) en maison 6 recevait tout un faisceau de mauvais aspects. Pour Alcantor, il n'y avait évidemment pas de fumée sans feu.

Ces mauvais présages l'étaient bien dans la maison sixième dévolue à la et par corollaire à la diététique, la manière dont on s'alimente, on nourrit tant son corps que son âme. Tout semblait donc bien anticiper, en son chef, de cette malbouffe future qui ne manquerait pas de pourrir son existence. Et ça se vérifiait.

Alors résigné de penser que sa nature d'être humain le rendait trop petit pour lutter contre l'ignominie oligarchique élevée non seulement au rang de bravoure mais encore tatouée de l'Ordre du mérité agricole, il jeta l'éponge.

Il replaça sa barquette de lasagnes findus dans son cabbat pour
les ramener à l'Intermarché de la Tombe-Issoire.

Puis il china dans son frigo, prit deux oeufs. Opta pour les faire à la coque.
- M'étonnerait tout de même là qu'on y trouve du cheval...
Se dit-il en trempant ses mouillettes.

LA VOLAGE

En ce lundi d’automne ensoleillé, Alcantor avait été convoqué à dessein de faire partie du jury. Une femme avait été occise et son mari passait aux Assises.

A la décharge de celui-ci, on pouvait dire sans crainte de ternir, outre mesure, le souvenir de sa coquine de femme, qu’elle avait toujours fait montre d’un naturel léger.

Légère, au point de s’envoler dans les airs, tel un cerf-volant, lorsque toute petite, ses parents la promenaient, munie d’un harnais et d’une courroie à la taille pour la retenir.

Elle devint plus légère encore en prenant de l’âge mais également des amants à tour de bras qu’elle avait pourtant maigres et même chétifs.

Elle était tellement légère que son mari se sentit finalement dans l’obligation de lui administrer quelques plombs dans la cervelle pour qu’elle ne s’envole plus.
Jamais.

En ce beau lundi d’automne ensoleillé, ce mari passait donc aux Assises.

LE CULPABILISANT

Ce ne fut une surprise pour personne.

Même pas vraiment pour Alcantor qui apprit tout à trac la mort de son voisin retrouvé sur le trottoir, de nuit, inerte et sanglant.

Cet homme hypocondriaque du numéro 54 s’en voulait pour tout.

Déjà lorsque par inadvertance, sa concubine s’était retrouvée enceinte, il s’en voulut de ne pas s’être contenu avec plus de fermeté.

Ensuite, bien qu’il s’en voulût énormément de n’avoir pas reconnu l’enfant dès la naissance, il s’en voulut plus encore de n’avoir pas retenu la mère plus que cela quand elle décida de le quitter.

Il eut encore, peu de temps après, l’occasion de s’en vouloir de n’avoir pas démissionné plus tôt lorsque son patron le mit en sommation de le faire.

Et puis ce fut une longue période de chômage entremêlé de dépression aiguë durant laquelle il s’en voulait de se raccrocher ainsi à la vie, vaille que vaille, sans aucune raison profonde et pas plus d’avenir.
Alors, comme cela arrive souvent dans pareil cas, il finit par céder.

Un jour, complètement au fond de l’abîme, il craqua d’une pièce.

Après avoir avalé quelques comprimés, il était plus ou moins minuit lorsqu’il sauta dans le vide du haut de son septième étage.

Mais tandis qu’il se trouvait suspendu entre le quatrième et le troisième niveau, soudainement, il se mit à penser aux géraniums et aux bégonias qu’il avait oubliés d’arroser avant de partir.

Alors là, projeté comme une météorite entre ciel et terre, il s’en voulut encore quelques secondes d’avoir décidé d’en finir.

Volage,
il voulais l'arrêter de volager

Le Culpabilisant
plus le temps de changer d'idée, fallait y penser avant

Que d'imagination !!! super bien raconté

Toutes tes personnages ont un coté qui délire VRAI

MERCI

Oui, on reconnaît cet humour un peu sarcastique, qui ensevelit quelque chose de "psychologiquement vrai".
J'aime beaucoup la dernière, "Le Culpabilisant", .

la plume Maldoresque est en pleine verve... Voilà de quoi se réjouir... et lire aussi

Merci Camille et tous les autres

Je vais essayer de tenir ma petite production avec régularité

LE COMMENCEMENT

Au commencement, Adam, premier être de la création et parfait androgyne, s’ennuyait. Il soupirait auprès de Dieu de n’avoir pas la moindre compagne avec qui assouvir, en profondeur, les bienfaits potentiels de cette existence prétendue si magique.

Qu’à cela ne tienne, pour avoir la paix, Dieu, qui n’en était plus à cela près, scinda le corps d’Adam en deux parties égales. L’une féminine, l’autre masculine.

Avec la partie féminine, il façonna Lilith qu’il suggéra à Adam de prendre pour épouse.

Mais si Adam, lui, était aux anges, Lilith, elle, féministe avant l’heure, ne l’entendait pas du tout de cette oreille. Aussi décréta-t-elle, fâchée, qu’elle préférait de loin suivre les traces de Satan.

Quelque peu dépité par cet inopiné contretemps, Dieu mit cependant tout en œuvre pour consoler Adam. D’une des côtes de se dernier, en un tournemain, il donna forme à Eve.

Antithèse de Lilith, Eve, la douce, paraissait, de prime abord, soumise et plutôt consentante.

Mais alors qu’Adam s’approchait d’elle, confiant, les mains bien ouvertes, l’œil concupiscent et l’engin dressé tel un silène en rut, elle partit en courant sans demander son reste.

Entre-temps, Lilith ne voulait déjà plus entendre parler de Satan. Trop anxieux qu’il était d’un jour renverser Dieu de son trône céleste, tout à son orgueilleuse obsession, c’était à peine s’il avait remarqué les formes affriolantes de la belle exaltée.

Et tandis que le crépuscule descendait en nappes sombres sur le monde merveilleux de la création, Lilith aperçut soudain Eve, chevelure blonde au vent. De même qu’Eve aperçut soudain Lilith aux lèvres carmines et pulpeuses.
Puis la foudre éventra les ténèbres.

De cette union particulière naquit l’origine des tribades pour les siècles des siècles.

Et puis un beau jour apparut Alcantor.

Camille13 a écrit:

la plume Maldoresque est en pleine verve... Voilà de quoi se réjouir... et lire aussi

LE MARCHAND AMBULANT

Alcantor possède du quant à soi. Il sait se tenir en société.

Par exemple, il s'intéresse à l'Astrologie mais il n'en fait pas non plus une maladie.
Il reste néanmoins critique et sceptique devant les affirmations et allégations péremptoires de certains "petits maîtres" d'écoles.

Il a fait sienne cette maxime de Nietzsche et il s'en réferre souvent:
"Où l'homme cesse de connaître, il commence à croire"

Et pour Alcantor la croyance, qu'il ne faut pas condondre avec la foi, lorsqu'elle est aveugle est assurément une plus grande source de nuisance pour l'humanité qu'un bienfait.

Dernièrement il discutait avec Polyarpe, un disciple du "Cercle Karmiste" quant au bien fondé des axes dits interceptés, des planètes rétrogrades et de la position des noeuds de la lune (dits encore l'axe du dragon).

Polyarpe qui avait un temps épousé la philosophie boudhiste pour s'en éloigner quelque peu voyait ici une certaine manière de la retrouver.

Rien n'arrivait par hasard, c'était certain.

La roue karmique faisait son oeuvre au travers du Samsara jusqu'à l'épuration finale. L'âme finissait par se drainer de toute scorrie "pécheresse" pour enfin connaître ce fameux nirvana de la non réincarnation.

La délivrance finale à laquelle tout le monde en réalité aspire.

Oui la vie devait être nécessairement de petites parcelles d'enfer destinées à mortifier les caractères, élever la volonté humaine vers quelque chose de géant.

Quelque chose qu'on ne veut pas ici nommer "Dieu" mais qui lui ressemble étrangement.

Une sorte de comptable intemporel, vénérable et omniscient qui pourrait avoir des accointances avec le "premier moteur" d'Aristote.
La première cause de l'Univers.

L'ultime démiurge.

Alcantor avec une solide en dans son thème n'était pas loin d'adhérer à la vision "Deus sive natura" de Spinoza.

Ce qui n'empêchait pas, pour lui, les éléments généraux d'être soumis à la contingence d'un monde dans un moment et un Univers donnés.

Si pour Einstein Dieu ne jouait pas aux dés, pour Alcantor l'homme aurait pu tout aussi bien jouer Dieu aux dés.
Comme Pascal dans son fameux pari notamment.

Bref, la métaphysique étant par définition indémontrable, on tournait en rond.

On pouvait évidemment toujours gloser à l'infini. Tout expliquer avec des hypothèses et des analyses conjecturales mais en partant d'un fond aussi solide que du vent sablonneux.

C'est pourquoi les relgions avaient encore un bel avenir devant elles, malgré tout le mal préalable déjà commis.

- Tu vois, lui dit Polyarpe, cet homme, Mohamed Bouazizi qui s'est immolé par le feu de désespoir en 2011 à Sidi bouzid et qui, malgré lui, a été l'instigateur de la révolution tunisienne, je te parie qu'il a des planètes rétrogrades, un axe intercepté conséquent et un Noeud lunaire "en enfer"...

L'enfer pour un atrologue lambda consistant à posséder dans son thème des planètes en maisons 8 ou 12 et/ou dans le signe du

- Même mieux, continua Polyarpe, je te parie que le Maître d'Ascendant de notre homme est combuste au Sorte de symbolique de l'immolation par le feu... ma main a couper...

Alcantor resta pantois de tant de précision.

Si, avec les bonnes grâces de Wikipédia, ils pouvaient connaître la date de naissance du marchand ambulant, il leur manquait l'heure, O combien importante, pour monter le thème.

Par le concours d'Astrothèmes, l'indispensable outil des pythonisses modernes, ils purent rapidement visualiser les données natales du malheureux tunisien devenu un symbole malgré lui.

Impossible donc, sans heure de naissance, de dire dans quelles maisons se trouvaient les noeuds ni si il existaient des maisons et des axes interceptés.

Trois planètes étaient rétrogrades (deux lourdes dont une demi lourde), ce qui est dans la moyenne de tout un chacun ( )

Et evidemment Polyarpe buvait du petit lait, et se morfondaient bien dans l'enfer zodiacal du

Mieux encore, le terrible, que dis-je, l'abominable et mortifère était en à 5 degrés près à
"La communication de façon macabre", a du penser Polyarpe à posteriori...

Par contre aucune planète combuste à l'horizon.
Macache!

- Oui, comme toujours, dit Alcantor, une chance sur deux...
Comme pour l'existence d'un être suprême capable de jouer bien plus qu'aux dés avec l'Univers.

Et en disant cela, il avait comme envie de trancher net la main de Polyarpe.

Maldo. Tu as tu talent.

du (pardon)

oui, il en a le bougre.... moi, j'attends la suite de l'histoire. Allez, Maldo, au boulot !

et MERCI

...j'adorrree notamment lorsque tu "mets en scène" les....astres....

LA VENGEANCE

Depuis des années, cet homme avait pris l’habitude de dilapider son pécule mensuel en misant sur des chevaux lors de courses qui ne lui rapportaient que fifre.

Un jour, à la veille d’être ruiné définitivement, le franc finit par tomber.

Il cessa de se rendre à l’hippodrome pour lui préférer, en ultime recours, le casino.

Très rapidement, servi par une intuition aussi judicieuse que par une chance insolente, il amassa une fortune considérable.

Si bien qu’il décida, pour se guérir en profondeur du vice premier qui avait failli l’enterrer, de s’en venger en ouvrant illico un commerce de boucherie chevaline.

Alcantor repensait à cet article de journal local relatant ce qui précède tandis qu'il examinait la barquette de lasagnes Findus.

LE COLIS

(Inspiré d’une chanson de LOU REED)


Alcantor s'éveilla en sursaut. Ruisselant de sueur.
Il émergeait d'un rêve épouvantable.


***

« Aimer, c’est faire don de soi ! » avait-il appris en substance au catéchisme.

Depuis, cette maxime n’avait cessé de lui revenir aux oreilles. De manière non ponctuelle, indécise voire sournoise, cependant bien réelle. Récurrente ! Ce n’était pourtant pas faute de l’avoir appliquée. En effet, notre homme affichant plutôt un naturel jouisseur, il n’avait, à proprement parler, jamais souffert du moindre dépit amoureux.

Cet égoïste patenté consommait tout ce qu’il pouvait avec une avidité d’anthropophage, sans l’ombre d’un regret. Parfois, en retour, lorsqu’il lui était impossible de n’y pas déroger, il lui arrivait de céder un peu de lui-même, une forme de prêt sur gage en quelque sorte.

Puis invariablement blasé pour les mêmes éternelles raisons, sans explication préalable, il rompait la relation. D’une fois. Sans estropier d’aucune façon la vérité, on peut même dire qu’il s’en sortait bien à tous les coups. Ce qui était loin d’être le cas de ses ex-conquêtes.

Enfin, comme le chantait si justement Iglesias, en amour, il faut toujours un perdant… C’est triste mais c’est comme ça.

Il avoisinait les trente ans lorsqu’il tomba amoureux pour la première fois de sa vie. Amoureux n’est d’ailleurs pas le mot. Disons qu’il était épris, transi voire mordu comme un os de clébard… Prêt à apprendre à jouer du tambour à un pélican si sa promise le lui avait demandé.

Il ne manquait d’ailleurs jamais une occasion de couvrir celle-ci de baisers à tout bout de champ, mais également de petits présents toujours plus variés.
dLa belle se montrant plus exigeante de jour en jour, il lui fallait sans cesse innover pour créer la surprise.

Un après-midi qu’il se trouvait en panne totale d’inspiration et se demandait cette fois ce qu’il pourrait bien inventer, lui revint en mémoire la fameuse maxime de son enfance.
« Aimer, c’est faire don de soi ! »

Alors, pour la première fois de sa vie, sans plus attendre il décida de mettre cette sentence à profit, tant au propre qu’au figuré.

Avec l’aide précieuse de deux amis, il s’enroula dans une quantité impressionnante de papier journal, des pieds à la tête, complètement, comme un long saucisson, puis fut introduit, à grand peine, dans un carton qui avait servi d’empaquetage à un petit meuble de salon.

Les deux compères achevèrent d’emballer le tout dans un très joli papier cadeau émaillé d’étoiles bleues et jaunes avant d’inscrire l’adresse de la destinataire et porter ce gros paquet à la poste.

Elle le reçut le lendemain, qui tombait justement à pieds joints sur le jour de son anniversaire.

Folle de joie, devant parents et convives suspendus et bouches bées, la jubilaire déchira le papier cadeau, ensuite se heurta à l’armature récalcitrante du carton d’emballage sévèrement calfaté de ruban adhésif pour la circonstance.

« … J’y arrive pas… Tiens, passe-moi celui qui est là sur la table… » demanda-t-elle à Monique, sa meilleure amie.
Monique s’exécuta et lui tendit le grand couteau destiné à couper le gâteau dans une péripétie ultérieure.

« Je suppose que ce n’est pas fragile… Ce serait indiqué sans doute… » lança t-elle à la cantonade avec un petit sourire.

Et elle leva le bras pour l’abaisser soudainement en un mouvement brutal qu’elle répéta à trois reprises.

Il y eut bien comme un bruit mat chaque fois que l’arme blanche lacéra l’emballage puis, à la stupéfaction générale, dans un long et sourd déchirement, le carton se mit à gémir…

Déjà, une rivière de sang envahissait le parquet.