Bonsoir tout le monde,

Je me suis toujours posé pleins de questions sur le sens de la vie... Au fond de moi-même, je ressens une différence monumentale entre le corps et l'esprit. C'est assez bizarre à expliquer, peut-être est-ce parce que je n'ai jamais senti une certaine forme d'harmonie entre "mon" corps et "mon" esprit.

Pour autant, je n'ai absolument aucune attirance pour la religion, n'importe laquelle... Je n'arrive pas à adhérer à une idéologie qui selon moi enferme l'esprit plus qu'il ne l'ouvre...

Il ne me reste que la spiritualité, mais là encore, j'ai souvent du mal à m'y connecter. Il y a tellement d'injustices et d'inégalités dans la vie que je n'arrive pas à me demander "pourquoi" nous sommes là et quel bien peut-il bien exister au-delà de ce que nos sens perçoivent dans ce corps qui nous anime présent dans un monde ni fait ni à refaire, barbare et où la douleur est présente partout.

Je suis perdu. Mon corps n'est rien et n'a jamais rien été à mes yeux, je le considère juste comme de la chair qui m'anime et m'handicape plus qu'autre chose dans ma vie quotidienne. Mon esprit quant à lui, que fait-il là ?

Comment peut-on se sentir à la fois animé d'un esprit vaguant dans un corps fait de chair et d'os et en même temps déconnecté et non connectable de toutes formes de spiritualité et de religion ?

Sommes-nous en réalité des esprits égarés ? En quête de questions dont beaucoup s'attachent à une forme de religion pour se sentir exister mais sans même se poser librement et arbitrairement ses propres questions et réponses ? Pourquoi ? Chercher des réponses au sein d'une certaine forme de spiritualité ou de la région n'est-elle pas là encore une prison dont il est n'existe aucune serrure pour y insérer une clé ? Ou alors, sommes-nous juste en enfer ?

Sur le plan astrologique, comment expliquez-vous cela ?

Erèbe,

A mon sens, la vraie question n’est pas de savoir si tu te sens ou non à ta place dans le monde physique, puisque tu es. Tu as la place que tu prends dans l’espace des réalités que tu traverses et t’inventes. Il m’apparaît qu’il s’agit donc là d’une fausse bonne interrogation, et y répondre ne changera strictement rien à ce que tu éprouves ou intellectualise à tort ou à raison. L’insatisfaction que te procure la réalité substantielle de l’existence ne remet pas en question ta position dans la chaîne du vivant et de ce qui est, mais ta propre perception de ce qui pourrait te combler. Tu ne vis pas le moment présent tel quel, comme un cadeau de l’instant dans lequel il t’est possible de déployer ce qui te régit.

L’ennui que suscitent chez toi les affres des contingences physiques est justement à la source de ta capacité à imaginer autre chose. Retire cette difficulté à te sentir concerné par les obligations du monde matériel, et tu perds avec et par corolaire, l’aisance à faire diversion dans tes univers intérieurs. Peut-être te faut-il commencer à comprendre que l’un ne va pas sans l’autre, sachant que le fléau de cette balance est la conscience que tu es en mesure de développer.

Que tu te sentes mal dans ton corps ou peu à l’aise parmi les autres pour les multiples raisons qui sont tiennes, ce besoin de t’échapper dans l’imaginaire ne répond pas à la place que tu occupes, mais à l’incapacité de contenter ce que tu espères. Or l’espoir n’a de poids qu’à travers la foi et non l’envie dérisoire qu’une autre réalité advienne parce qu’on en imagine les traits.

L’acceptation semble être la clé, toutefois, elle commence par la nécessité d’admettre ce qui est, dans la nudité crue du réel, sans les fantastiques noirceurs d’un esprit torturé, ni la confusion de ce qu’il préférerait être. Accepter l’imperfection, accepter les lacunes, les faux pas, les maladresses, mais également le plaisir, la joie, la douceur, l’affection sincère…

Accepter et apprendre par l’entremise du don, ce qu’il est indispensable d’offrir à l’instant pour composer avec l’imprévu. Dans ton cas, il semble qu’il te faille apprendre à manifester ton imaginaire, le concrétiser en lui apportant une forme et une substance. La diversion fantasque peut conduire au répit devant les difficultés inhérentes à la condition d’être, cependant, si elle est sans objet et qu’elle devient un refuge systématique, elle t’oriente seulement vers la négation de la réalité et la stérilité des solutions que tu peux y apporter.

En revanche, si tu t’en servais tel un potentiel de résolution, une capacité à exprimer et philosopher les sombres agitations du monde, tu pourrais créer de nombreux outils susceptibles d’apaiser, de reconstituer et ainsi, reconnecter ce qui se sépare. C’est peut-être cela d’ailleurs, le sens de ton destin : inventer des solutions pour te guérir et guérir ceux qui comme toi, se sentent écartelés, divisés entre plusieurs mondes. Et si ce sentiment était en fait le signe que tu es une passerelle entre les dimensions du réel, qu’elles ne te coupent pas de quelque chose mais se joignent en toi ?

Tant que ton hypersensibilité te placera dans une position d’autoprotection hermétique, tant que tu résisteras à ce qu’elle met en branle en ta personne, tant que tu resteras intolérant aux sensations qu’elle te contraint à expérimenter, n’y percevant que douleurs insupportables et besoin refoulé de réconfort, tu te trouveras troublé, insatisfait, malheureux d’être simplement toi quand tu sens pourtant cet infini battre la mesure en tes tréfonds.

L’incomplétude que tu expérimentes ne semble pas provenir de ce qu’il te manque pour pouvoir t’épanouir, mais de ce que tu répudies de ton fonctionnement afin de te protéger de la conscience que cela fait naître en ton intimité et des peurs qui l’accompagnent. Tu te tortures d’être et c’est pour cette raison que ton corps se débat, souffre et se décline en faiblesses diverses et variées. Tu en façonnes les dérégulations en te défendant de ce qu’il te fait ressentir, en niant ses vérités. Plus le refus grandit, plus cela revient sous la forme d’insurmontables épreuves, et tu choisis alors de t’en évader via les virtualités de l’esprit. Et le cercle vicieux continue de se traduire en obsessions, inlassablement, devenant ce cul de sac dans lequel tu te sens croupir.

Accepte-toi, enfin, et accepte les autres. Réalise les dons dont tu es doté. L’esprit s’applique à la matière pour peu que tu accueilles les limites du corps comme autant de portes ouvrant sur de nouvelles consciences et permettant d’étoffer ta perception des multiples facettes de l’univers. Si cela te permet de relativiser, pense à tous ces gens qui sont pétrifiés dans leurs chairs et qui pourtant, continuent de percevoir la vie comme un cadeau. Souffrent-ils moins que toi où ont-ils fait de cette souffrance le réservoir d’une sagesse intemporelle, une ancre au partage ?

Je pense personnellement que tu es amené à devenir un chaman, mais pour cela, tu ne peux continuer de renier ce que tu es, dans l’entièreté de ce que cela suppose. Si la complainte peut apaiser, elle ne résout cependant rien. Le positif n’a aucun sens sans le négatif, au même titre que la lumière ne peut-être sans les ténèbres. Même dans la fiction, il apparaît que les héros n’ont rien à apprendre et comprendre, n'ont rien à raconter, s’ils ne rencontrent aucun obstacle, aucune difficulté à dépasser. La vie est plurivalente et c’est à partir de cette multiplicité que sa richesse se déploie et s’explore.

L'idéalisme n'est pas l'illusion d'un idéal inatteignable, mais l'orientation de l'espoir dans ce qui peut advenir pour peu qu'on s'en donne les moyens.



C.

Ladom merci pour tes mots !

Je ne pense pas qu’Erèbe manque d’ancrage. Au contraire, il a les pieds bien sur terre et ça lui pèse parce qu’il préférait autre chose. C’est ce dernier point qui est problématique d’ailleurs. Il n’accepte pas le fait d’être de chair et avoir mal de vivre, parce qu’il ressent tout cela avec une profonde intensité et ça l’effraie, ça le paralyse. Dès lors qu’il aura admis ce qu’il est, qu’il n’aura plus peur de ce qu’il éprouve, qu’il acceptera simplement cela sans tenter de trouver une place qu’il occupe déjà, le déblocage se fera et il pourra déployer sa puissance spirituelle bien entraînée, sur le plan du réel plutôt que simplement celui du fictionnel. Ce n’est peut-être pas pour demain, mais le déclic se fera tôt ou tard.

Il est un homme tendre et puissant de sa sensibilité. Réfléchit et curieux, il se montre cultivé et à même d’apprécier l’esthétisme du clair et de l’obscur, la poésie de l’apparence, de l’expérience et de l’idée. Le hic, c’est que de son point de vue, l’incarnation est une faiblesse, alors que c’est justement parce qu’il ressent tout de façon si violente, que son esprit est capable de se projeter dans des sphères nouvelles. S’il apprend à extraire de ses sens et sans alarmisme, les subtiles informations qu’ils lui délivrent, il gagnera en clairvoyance, en sagesse et en sérénité. Il sera alors en mesure d’être ce qu’il a toujours pressenti en lui sans jamais se l’avouer vraiment, pour se contenter de le rêver seulement. J’en ai la conviction et j’ai foi en cet avenir.

En ces temps troublés, nous avons besoins de ceux qui sont capables de voir dans les ombres de l’âme pour y apporter de la clarté. Mais avant cela, il faut apprendre les pièges qui s’y dissimulent, et je pense que c’est la raison pour laquelle notre ami expérimente ces états.

Tu n'as rien à te faire pardonner Ladom, ce que nous écrivons généralement est de l'ordre de la projection personnelle et il me semble qu'y échapper c'est se désincarner dans l'absence de point de vue.

Enfin, l'ancrage n'est pas forcément quelque chose qui s'inscrit exclusivement dans la matière. On peut être ancré dans des idées, dans des ressentis, dans des principes, des disciplines, des systèmes de valeurs ou des fonctionnements réflexes... tout dépend sous quel angle on observe un phénomène.

Je réponds un peu tard à vos messages, j'en suis sincèrement désolé ! Puis j'en ai relu certains plusieurs fois. Vous m'êtes tous d'une incroyable aide, quand bien même vous me retournez le cerveau deux fois plus qu'avant d'avoir rédigé ce sujet...

cheliel, je te remercie infiniment (et tu sais que je ne pourrais jamais te remercier assez pour tous tes messages à mon attention depuis bien longtemps) pour ton long message, toujours fort de pertinence, d'auto-réflexion et de sagesse...

Tout comme ladom, je mets un bémol sur le "chaman" que tu vois en moi... Je pense juste être un penseur un peu torturé et c'est assez incroyable comment je ressens énormément l'influence qu'a mon thème natal sur moi comme l'ont très bien interprété remedios, Malunamoi, Julien, etc. très fort chez moi n'est pas un ancré dans le présent, le concret, la tradition, le travail, les valeurs, etc.

Non, ce chez moi est un homme sur une barque errant dans un brouillard épais sans aucune terre à l'horizon, à la juste lueur de la lune. Alors je pense, je réfléchi, au fond de moi j'ai toujours été sur cette barque, je vague et j'avance (ou pas) je ne sais où, je me demande ce qu'il peut bien y avoir devant, derrière, quel est le sens de ce voyage ? D'ailleurs je ne sais même pas comment j'ai atterri dans cette barque.

Comme tu l'as si bien dit, le seul ancrage que j'ai dans ce monde réel et concret, ce sont mes sens exacerbés et les sombres idées que je me fais de mon existence dans ce monde physique avec toutes les peurs, les doutes et les remises en question sur ce qui est palpable, concret, réel. Puisqu'au fond, tout cela n'a aucun sens.

Alors aussi vite que je peux, je remonte dans ma barque, je reprends le large et m'enfonce dans le brouillard épais. La sensation n'en est pas plus agréable, mais au moins je sens un brin d'apaisement, comme si le temps s'arrêtait ne serait-ce qu'un instant.

Simple Demoiselle a écrit:

Je ne vais pas prétendre avoir voulu t'aider, mais cela fait plusieurs jours que je "réfléchis" à la réponse la plus en justesse pour toi. Alors, si cela résonne pour toi, accepte cette modeste humaine et maladroite manifestation. Voilà, en espérant que ce n'est pas "trop"... Il y avait un "appel", voici la minuscule réponse que je peux offrir à ta détresse et ton chagrin.

Ton message apporte encore de la réflexion supplémentaire et c'est déjà beaucoup pour moi. Ce n'est pas une minuscule réponse, quant à ma détresse ou mon chagrin que je n'ai pas, mais plutôt de l'angoisse et des doutes.

Navane a écrit:

L'éphémère est permanent, toujours renaissant.
Il se situe entre deux éternités. Au centre, partout.
Il échappe à toute idée arrêtée. Je ne sais pas comment le trouver, ne faisant que passer à travers lui, avec lui, et m'y éterniser.

Si l'éphémère est permanent, alors pourquoi s’appelle t-il éphémère et non pas permanent ? Ce qui renaît n'est qu'une infirme partie de ce qui était, de ce fait peut-on vraiment considérer l’éphémère comme permanent ? Comment peut-on être au centre de deux éternités si celle-ci n'ont ni début, ni fin ? Où est le centre ? Être au centre de quelque chose d'infini, n'est-ce pas ce que je ressens, perdu dans un brouillard et seul sur ma barque ?